Dans une interview récente réalisée avec plusieurs grands titres de la presse européenne, Tony Blair demande fermement aux Européens de prendre conscience que le Brexit est aussi dangereux pour eux.
Si l’on en croit Tony Blair les Européens sous-estimeraient l’impact du Brexit et devraient laisser aux Britanniques la capacité de changer d’avis. Tony Blair a la mémoire courte, c’est le Royaume-Uni qui a décidé de quitter l’UE, c’est lui qui a changé d’avis, estimant qu’il est préférable de vivre seul qu’avec 27 autres pays. Très fermement il leur demande de « garder l’esprit ouvert ». Lorsqu’il dirigeait le Royaume-Uni, il a tout fait pour maintenir son pays en dehors de la route conduisant à l’intégration. « Il en va de l’avenir de l’Europe », dites-vous, Tony Blair. Mais vous avez la mémoire courte et faut-il rappeler que la responsabilité est britannique ; et les Européens ne doivent faire aucune concession.
« Il en va de l’avenir de l’Europe », dites-vous. Nous sommes bien d’accord sur ce point et en conséquence, nous, Européens, nous avons décidé de serrer les rangs entre nous, évitant une série de négociations bilatérales. Nous Européens, nous n’avons aucun intérêt à vous concéder quoi que ce soit au risque de nous perdre nous-mêmes en fragilisant l’édifice européen, par ailleurs déjà malmené. Vous allez reprendre le contrôle de tout ce que vous réclamiez avec tant d’insistance. C’est votre départ qui nous a incités, de notre côté, à prendre des initiatives pour relancer la construction européenne. On peut comprendre votre dépit ; et plus particulièrement, la France, contrairement à ce que vous espériez, a décidé de porter au pouvoir le plus européen des candidats, Emmanuel Macron, qui reste ferme dans ses convictions.
Il a su fédérer la France mais aussi une bonne partie du continent. Votre pays, Tony Blair, n’a jamais réellement adhéré au projet européen, il l’a rejoint par défaut, après avoir constaté l’échec de ses tentatives pour torpiller le projet européen. Vous avez décidé de sortir de l’ambiguïté en décidant tout simplement de sortir, maintenant il faut partir, pour de bon, et vous saviez ce que vous étiez en train de faire. Pour nous, « garder l’esprit ouvert » c’est ne pas vous laisser la possibilité de revenir au sein de la famille européenne, vous recommenceriez à nouveau à nous mettre les bâtons dans les roues et nous nous n’en sortirions plus. En décidant de partir, vous avez rendu un service insigne à l’Europe. Donc comme il a été dit par ailleurs « Merci et au revoir » (cf. le Taurillon).
Est-ce que tout danger est définitivement éloigné ? Non, bien sûr. Ce qui n’a pu être obtenu à l’occasion du Brexit pourrait l’être à l’occasion de la rentrée du Royaume-Uni : division des membres de l’UE, concessions exorbitantes, démantèlement de l’UE, en fait son détricotage inexorable.
Andrew Duff, ancien membre libéral du Parlement européen pendant de longues années, fin connaisseur, connaisseur érudit des questions institutionnelles, actuellement président du Groupe Spinelli, nous a mis en garde. Il a mis en exergue la douzaine de lignes rouges à ne pas franchir. Au passage, il a joué un rôle pédagogique de premier plan en montrant en quelques pages où se situe le noyau dur institutionnel de la construction européenne (cf. infra « pour en savoir plus »). Un homme averti en vaut deux.
L’avertissement de Tony Blair, « garder l’esprit ouvert » a toute sa valeur, comme la raison de Descartes, il suffit de bien l’appliquer. Face à la montée des autoritarismes et du modèle autocrate, la première des démocraties parlementaires a son utilité. Le Royaume-Uni compte indéniablement.
Donald Trump nous aide aussi, son comportement renforce l’ancrage européen du Royaume-Uni. Les relations spéciales entre les deux pays ne sont plus ce qu’elles étaient. Le chef des commentateurs diplomatiques du Financial Times, Gideon Rachman, vient de nous le rappeler récemment : la politique étrangère du Royaume Uni est européenne, pas trumpiste. Sur toutes les grandes questions stratégiques, Londres est avec les 27 de l’UE. Qu’il s’agisse du nucléaire iranien, de l’accord de Paris sur le climat, sur le Moyen- Orient et Jérusalem, sur l’attitude face à la Russie de Poutine, sur la lutte contre le Djihadisme et l’indispensable coopération face aux flux migratoires, le Royaume-Uni est, si non à la pointe de l’attitude européenne, largement en accord avec elle. On ne peut en dire autant de certains autres membres de l’UE. Sans aucun doute, il faut défendre les règles du club européen, sauf, à voir l’UE se déliter, mais dans cette Europe à plusieurs vitesses souhaitée par Emmanuel Macron, il faudra imaginer une place pour le Royaume-Uni, et cela chaque fois que l’on voudra peser sur les affaires du monde. Comme a pu conclure Benoît Frachon, du Journal le Monde : « après tout, ils ont rarement manifesté un tel attachement à l’UE que ces jours-ci ». Il est bel et bien révolu le temps de la guerre en Iraq où les européens pratiquaient la surenchère entre eux dans le suivisme à l’égard de G.W. Bush et se déchiraient : « les européens pratiquent entre eux la politique de la terre brûlée », écrivait alors Nicole Gnesotto dans le journal Libération.
Henri-Pierre Legros
Pour en savoir plus :
Le Taurillon : l’illusion de Tony Blair https://www.taurillon.org/garder-l-esprit-ouvert-l-illusion-de-tony-blair
Gideon Rachman On World Affairs http://www.abc.net.au/radionational/programs/saturdayextra/gideon-rachman/9200570
Texte de Andrew Duff http://www.epc.eu/pub_details.php?cat_id=17&pub_id=8208
Résumé du texte de Andrew Dufff http://www.epc.eu/pub_details.php?cat_id=17&pub_id=8208
Tony Blair les européens doivent garder l’esprit ouvert : journal le monde http://www.lemonde.fr/referendum-sur-le-brexit/article/2018/01/04/tony-blair-les-europeens-doivent-prendre-conscience-que-le-brexit-est-aussi-tres-dangereux-pour-eux_5237312_4872498.html