Au début du mois d’avril 2018, 70% des citoyens hongrois ont voté aux élections nationales. Bien que la victoire du parti politique de droite Fidesz (Union civique hongroise) et de son allié, le parti populaire démocrate-chrétien (KDNP) et donc la réélection de Viktor Orbán, étaient prévisibles, la défaite de l’opposition d’une telle ampleur, malgré la forte participation, aient été inattendue. Viktor Orbán, président du Fidesz, a réussi à obtenir la majorité de deux tiers au parlement national, ce qui lui donne le pouvoir exceptionnel de changer la Constitution hongroise. En ajoutant aux votes pour Fidesz ceux du parti ultranationaliste Jobbik, premier parti de l’opposition, on arrive à un pourcentage total de quasi 70% pour la droite en Hongrie. Les résultats de l’élection nécessitent une analyse approfondie, afin de comprendre les conséquences pour la Hongrie ainsi que les relations politiques et économiques en Europe.
Nekünk Magyarország az első!
Le 8 avril 2018, l’alliance Fidesz-KDNP a remporté presque 49% des votes en Hongrie, soit 133 des 199 sièges à l’Assemblée nationale, ce qui lui assure la majorité de deux tiers qu’il lui faut pour changer la Constitution. C’est d’ailleurs ce qui a déjà été fait six fois depuis 2012, pour changer les mécanismes du pouvoir parmi le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. Depuis, il existe aussi un nouveau système électoral mixte grâce auquel les citoyens hongrois ont deux bulletins de vote qui servent à élire les députés de l’Assemblée nationale. 93 sièges sont attribués de manière proportionnelle, selon les résultats au niveau national. Pour les 106 sièges manquants, les résultats des élections locales sont pris en compte, avec un scrutin uninominal majoritaire. Cela implique que le parti qui remporte tous les sièges disponibles pour la circonscription est seulement celui avec le plus de votes. Le système s’est montré très avantageux pour le Fidesz, car c’est là où il a remporté le plus grand nombre de ses voix. Il lui a suffi une opposition fragmentée pour gagner les élections locales.
Suite à ce nouveau système électoral, l’opposition s’attendait à une hausse de ses votes en cas de forte participation. À la surprise des experts, le contraire s’est produit. En effet, c’est le premier parti d’opposition, Jobbik, qui récolte 26 sièges avec presque 20% des voix. Le Parti socialiste hongrois, le MSZP, est arrivé à un résultat de seulement 12%, ce qui correspond à 20 sièges à l’Assemblée, 10 sièges en moins que la période précédente. Le parti des verts-libéraux, le LMP, a obtenu 8 sièges, avec 7% des votes et les sociaux-libéraux, la coalition démocratique (DK), qui s’est séparée du MSZP en 2011, a remporté 9 sièges, avec presque 6% des voix. Après les élections, les chefs des deux principaux partis d’opposition, Gabor Vona du Jobbik et Gyula Molnár du MSZP, ont décidé de démissionner.
Contrairement au Royaume-Uni où le pouvoir passe régulièrement de la gauche à la droite avec également un système de scrutin uninominal majoritaire au niveau local, il n’existe pas deux partis avec un pouvoir politique égal en Hongrie. L’opposition est extrêmement fragmentée et les campagnes électorales n’étaient pas assez cohérentes. C’est d’ailleurs ce qui a permis au Fidesz de récolter autant de votes, sans avoir mené une véritable campagne électorale. Le premier ministre Orbán misait sur sa rhétorique anti-immigration, qui a été constamment renforcée par les critiques provenant des institutions à Bruxelles. Le simple fait que l’Union Européenne (UE) insiste sur la question des quotas et sur l’absence de solidarité de la part de la Hongrie, a contribué à légitimer le discours du premier ministre d’un point de vue hongrois. Pour lui, les institutions de l’UE sont des organes qui ont pour but de priver les institutions nationales de leur souveraineté.
En réalité, la Hongrie n’a jamais eu un problème de forte immigration, Viktor Orbán a simplement exploité le sujet de la crise migratoire, qui a été par ailleurs renforcée par les évènements en Syrie. Son slogan « Nekünk Magyarország az első! » (Pour nous, la Hongrie passe toujours d’abord), ressemble beaucoup au fameux « America first » (l’Amérique d’abord), du président des États-Unis, Donald Trump. Pourtant, le taux de chômage en Hongrie est très bas, grâce à des changements structurels et au financement de projets par les fonds de cohésion européens. Le bilan en matière économique ces dernières années est plutôt positif, avec une croissance de 4% en 2017 et un taux de chômage de 3,8%. Théoriquement, la Hongrie n’aurait pas de difficultés à accueillir plus de demandeurs d’asile. Néanmoins, avant les élections nationales, les villes hongroises étaient remplies d’affiches, financées par des fonds publics, représentant des masses de personnes de peau noire en train d’envahir la Hongrie, avec un grand panneau « STOP », qui représentait la solution élaborée par le Fidesz pour mettre fin à cette vague d’immigration fictive. Aussi bien le Fidesz que le Jobbik mènent une politique économique libérale, atypique pour des partis de droite. A l’inverse, leur politique sociale est typiquement de droite. Miklós Menyhárt, médecin généraliste de profession et candidat du Jobbik à Györ, ville du nord-ouest de la Hongrie, qui a jusqu’à présent beaucoup profité des fonds structurels européens, a dit que « Le Fidesz a volé beaucoup d’idées de notre programme. Il utilise la question de l’immigration comme une arme contre le peuple, alors que le vrai problème avec la migration n’est pas ceux qui rentrent dans le pays, mais ceux qui partent. »
En effet, malgré la bonne situation économique en Hongrie, beaucoup de citoyens hongrois décident de quitter la Hongrie pour partir dans un autre pays pour des raisons de corruption et de libertés fondamentales, un sujet qui n’a été abordé que par les partis d’opposition pendant la campagne électorale. Le premier ministre Orbán mène sa politique d’identité avec succès, en utilisant l’immigration pour distraire du problème de l’émigration des citoyens de son pays et ceci n’est possible qu’en tenant les rênes des médias.
L’opinion publique formée par les médias menottés
Outre l’opposition fragmentée, un autre facteur indispensable pour la victoire du Fidesz a été le contrôle que le parti exerce sur les médias. Grâce à ce monopole, l’opposition n’a pas été thématisée dans les journaux et les chaînes télévisées avant les élections. Devenues véritables machines à propagande, les chaînes télévisées abordent seulement, et sans réelle analyse critique, des problématiques liées à la crise migratoire ou encore au Némésis d’Orbán, George Soros. L’accès des partis d’opposition aux médias est extrêmement limité, ce qui les empêche d’avoir une plateforme publique pour s’exprimer et pour présenter le programme de leur campagne électorale.
Les alliés de Viktor Orbán possèdent au total 11 radios, 20 chaînes de télévision, près de 500 sites internet et l’ensemble de la presse quotidienne régionale. Les radios d’État et les cinq chaînes de télévision publique ont été regroupées dans un centre de production de l’audiovisuel public par le gouvernement. Grâce à cette domination du paysage médiatique, le parti du Premier ministre hongrois a réussi à limiter les contre-pouvoirs démocratiques comme la liberté de la presse. Afin d’éviter une confrontation non désirée entre la politique et la presse, les journalistes de l’opposition n’ont pas toujours accès aux informations et des interviews privées leur sont systématiquement refusées.
De plus, Viktor Orbán a mené une campagne contre George Soros, milliardaire américain d’origine hongroise, actuellement président de l’Open Society Foundation, qui soutient des Organisations non gouvernementales (ONG) en Hongrie. Grâce à la majorité nécessaire à l’Assemblée nationale, Viktor Orbán sera finalement capable de passer la loi Anti-Soros. En 2013, un texte intitulé « Stop Soros » a été examiné par le parlement hongrois, visant à contrôler les activités de ces organisations dans le domaine humanitaire et à arrêter toute activité qui faciliterait l’immigration en Hongrie. Ceci s’est transformé en une campagne qui diabolise les ONG engagées dans l’accueil des demandeurs d’asile dans leur pays. A Györ, il est impossible pour le public, les médias et les ONG, d’accéder au centre d’accueil de réfugiés, dont la construction a été financée par des fonds européens. Ce dernier était prévu pour l’accueil de plus de 200 personnes, mais seule une vingtaine de personnes se trouve actuellement dans le bâtiment. C’est également la preuve d’une baisse du nombre des demandeurs d’asile en Hongrie, due aux politiques anti-migratoires mises en place par le gouvernement. Depuis 2017, seulement 5 personnes sont autorisées à s’enregistrer par jour dans chaque zone. La Hongrie est ainsi très loin d’une invasion étrangère. Dans la même année, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a déclaré la Hongrie un pays où les demandeurs d’asile n’ont pas la garantie d’être en sécurité.
La Hongrie en tant que porte-parole de la Russie au sein de l’UE
La bonne relation avec la Russie ne date pas d’aujourd’hui ; son élaboration a commencé même avant la réélection du premier ministre Orbán en 2010. En effet, en novembre 2009, ce dernier s’est rendu à Saint Petersbourg pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine personnellement, étant donné qu’il était déjà un des favoris avant les élections en Hongrie. Quelques mois plus tard, il allait également rencontrer Xi Jinping, ancien secrétaire général et président de la Commission militaire centrale du Parti communiste chinois, et depuis 2013, président de la République populaire de Chine. Dans ce contexte, il était surprenant que ces deux personnalités aient accepté de rencontrer un simple candidat aux élections hongroises et leader de l’opposition, sans qu’il ait été élu Premier ministre. Cela lui a montré que, même avant son élection, il pouvait compter sur des portes ouvertes au-delà des alliances traditionnelles à l’ouest de l’Europe. Il semble que ses relations politiques soient basées sur des relations personnelles, et ceci avait rassuré Poutine ainsi que le Parti communiste chinois pour une possibilité de collaboration entre les pays.
En creusant un peu plus les relations de Viktor Orbán, on tombe toujours sur les mêmes personnes. Lajos Simicska,un entrepreneur hongrois et vieil ami du Premier ministre, joue un rôle clé dans la politique hongroise depuis des années. En effet, aux élections hongroises de 2010, il a été son allié pour réussir à faire arriver Fidesz au pouvoir, en fondant la première chaîne d’informations en continu, Hir TV. Il a toujours travaillé dans les coulisses du parti et faisait en sorte qu’il y ait une base financière solide et constante pendant qu’Orbán se présentait en tant que leader du Fidesz devant le public. On parlait d’Orbán en tant que leader politique et de Simicska en tant que leader opérationnel. Leur alliance s’est terminée en 2014, après l’affaire Mol, qui a affaibli leur relation, et l’affaire MET qui l’a définitivement clôturée.
Après la victoire du parti Fidesz aux élections de 2010, Simicska et son associé Zsolt Nyerges, également un vieil ami de la famille Orbán, se sont rendus à Moscou pour élaborer de nouvelles relations commerciales entre la Russie et la Hongrie. Le déroulement de ces réunions n’était pas transparent pour le public, dû à l’absence d’une conférence de presse. Ces rencontres en Russie avant et après les élections hongroises prouvent l’importance qu’Orbán accorde aux relations avec Poutine.
En considérant les accords commerciaux entre la Russie et la Hongrie, trois font particulièrement polémique. En premier lieu, en 2009, Surgutneftegaz, le géant russe de l’énergie, a racheté 21% des actions de Mol, principale entreprise pétrolière hongroise, à l’entreprise pétrolière autrichienne OMV. Sous la présidence de l’ancien Premier ministre hongrois, Ferenc Gyurcsány, le gouvernement hongrois avait refusé à l’entreprise russe de faire usage de son droit de co-propriété, ce qui posait des problèmes à la Russie. Après son élection, la solution de Viktor Orbán a été de racheter les actions russes. En conséquence, la Hongrie est devenue l’actionnaire le plus important avec 25% de l’ensemble des actions. Simicska n’était pas favorable à cette façon de procéder et avait conseillé à Orbán de ne pas racheter les actions. La stratégie d’Orbán, en revanche, avait pour but de marginaliser Simicska, de le pousser à l’arrière-plan et de gagner un accès direct à une position économique importante. De plus, il avait réussi à créer un contrepoids par rapport à Sándor Cyányi, le vice-président et membre du conseil d’administration de Mol, et la personne la plus riche et la plus influente à ce moment.
Le deuxième accord est parmi les plus controversés des huit dernières années en ce qui concerne l’État hongrois. Il s’agit de la fondation de la société hongroise de gaz MET, créée par l’entreprise Mol en 2007 et qui s’est développée en une société internationale, affilée à des actionnaires russes et des personnes liées à l’élite économique et politique hongroise. En 2011, la Hongrie a augmenté le montant de gaz importé de l’Ouest, car à l’époque, il était moins cher qu’ailleurs dans le monde, et a donné la permission à MET de revendre ce gaz à un prix plus élevé, ce qui lui permettait de faire un profit beaucoup plus intéressant. En 2011, Mol tenait 40% des actions de MET et l’État hongrois profitait largement de cette opération. Dans tout cela, la Russie était impliquée, officieusement.
En 2012, le gouvernement Hongrois a racheté la succursale de l’entreprise allemande E.ON, laquelle était en conflit avec le géant russe Gazprom depuis des années. Cela permettait aux Hongrois de négocier directement avec la Russie, sans passer par l’Allemagne. Pour la Russie, cette opération signifiait qu’un de ses rivaux a dû sortir d’une partie du marché grâce à la Hongrie.
Le dernier jalon dans les relations entre la Hongrie et la Russie fut l’accord entre la ville hongroise Paks et Rosatom, entreprise nucléaire russe. À Paks se trouve la seule centrale nucléaire de la Hongrie, construite à l’époque soviétique, pour laquelle était prévu un élargissement. En 2013, le Premier ministre hongrois a participé à une rencontre confidentielle avec le chef de Rosatom. Suite à cette rencontre, il avait annoncé que cette entreprise aurait été en charge du projet Paks. Orbán fut vivement critiqué pour le fait d’avoir pris cette décision sans avoir publié un appel d’offres public. La centrale nucléaire a été construite grâce à des technologies russes, qui sont bien connues par les ingénieurs hongrois, ce qui fait qu’une participation russe au projet n’était pas indispensable.
En 2017, président Poutine s’est rendu à Budapest deux fois de suite, avec un intervalle d’environ six mois. La deuxième visite a été perçue par la Hongrie comme une démonstration de pouvoir de sa part. Il a montré qu’il pouvait venir en Hongrie à tout instant, sans attendre une invitation de la part du Premier ministre hongrois. Les pays de l’Europe de l’Ouest tiraient la conclusion que Viktor Orbán s’était rapproché un peu trop du président russe et que la situation n’était plus sous contrôle. Même ses partenaires et alliés les plus proches ne savaient pas si le comportement d’Orbán suivait une stratégie politique sophistiquée ou s’il était tout simplement lié à Poutine par dépendance. La Hongrie était désormais devenue la voix de la Russie au sein de l’UE, une opportunité unique pour Poutine d’exercer de l’influence depuis l’extérieur. C’était d’ailleurs le Premier ministre hongrois qui avait résisté le plus longtemps lorsqu’il était question d’appliquer des sanctions contre la Russie.
Selon le Premier ministre hongrois, ceux qui investissent dans des projets en Hongrie sont gagnants, certes, mais ils auront aussi quelque chose à perdre s’ils perdent la Hongrie comme partenaire. Il préfère toujours cultiver l’amitié de dirigeants autoritaires et d’hommes considérés forts, comme Erdoğan et Poutine. De plus, il prévoit de renforcer les liens commerciaux avec la Turquie et la Chine, afin d’être plus indépendant de l’Allemagne en termes d’économie, ce qui nous amène à jeter un œil sur les relations hongroises avec l’UE.
Le soutien inconditionnel du PPE
Depuis 2010, les tensions entre l’UE et la Hongrie s’aggravent, malgré le soutien du Groupe du Parti Populaire Européen (PPE) pour Orbán au Parlement européen (PE). D’une part, les citoyens hongrois se montrent très conscients de l’importance des fonds de cohésion européens qui rendent possible la réalisation de nombreux projets dans leur pays. D’autre part, la majorité d’entre eux ont voté pour un Premier ministre qui a envoyé un sondage intitulé « Stop Bruxelles » à tout foyer en Hongrie en 2017, parsemé de propagande contre l’UE, contenant des fausses affirmations liées à la crise migratoire, la distribution des aides financières européennes et la politique économique du pays. La Commission européenne a réagi en réfutant les contre-vérités, sur la base de faits concrets. La relation entre la Hongrie et l’UE peut parfois sembler paradoxale, mais en mettant en lumière quelques détails, elle devient plus compréhensible.
Avant l’élection nationale en Hongrie, le président du PPE, Joseph Daul, a encouragé la victoire du Fidesz sur twitter, disant que le parti, rassemblé avec d’autres partis de droite, contribuerait à la prospérité des citoyens hongrois. Toutefois, même au sein de ce groupe parlementaire, les opinions concernant le Premier ministre hongrois divergeaient de plus en plus. Jusqu’à maintenant, les raisons pour lesquelles le PPE n’arrive pas à renoncer à inclure les membres du Fidesz dans son groupe sont très simples. Les membres hongrois représentent une partie importante en termes de nombre au sein du PPE et aident le groupe à avoir la majorité des voix à chaque élection européenne. De plus, les membres du Fidesz se montrent très loyaux aux valeurs du PPE. Pendant que les votes sur des sujets importants en plénière peuvent parfois varier dans le groupe selon la nationalité des députés. Les hongrois sont connus pour voter selon les valeurs du PPE, tout en mettant de côté leur intérêt national. A part l’influence que perdrait le PPE vis-à-vis de la politique européenne au sein du PE en excluant le parti hongrois, il perdrait également la modeste influence qu’il exerce sur la Hongrie, ce qui aurait des conséquences pour tous les pays membres.
Voix provenant du Parlement européen sur la situation en Hongrie
Judith Sargentini, députée néerlandaise du Groupe des Verts/Alliance libre européenne et membre de la Commission Libertés civiles, justice, affaires intérieures (LIBE) au PE, a récemment déclaré à une conférence de presse qu’elle était très inquiète concernant l’existence et l’application des valeurs européennes en Hongrie. Selon elle, en ce qui concerne les droits fondamentaux des citoyens hongrois, qui sont également citoyens européens, ceux-ci n’auraient pas un gouvernement prévisible, mais un gouvernement qui serait en train de créer une législation portant à la cessation du débat, au lieu de l’animer. Les Hongrois éviteraient de s’exprimer au public et choisiraient plutôt de poursuivre leurs débats dans des cercles plus intimes, ce qui aurait pour conséquence que leurs pensées ne sortiraient pas de ce cadre fermé. Dans une démocratie, divers discours devraient avoir leur voix, même si avec les résultats des élections, les Hongrois auraient donné de nouveau de la légitimé au style autoritaire d’Orbán.
De plus, elle a dit qu’il serait de notre devoir au sein de l’UE de nous parler de manière honnête, de nous donner des conseils réciproquement et de corriger nos erreurs. Un exemple évoqué par la députée était la solidarité des pays européens vis-à-vis de l’Italie qui se retrouve seule face aux réfugiés qui arrivent sur leurs côtes, et qui a demandé à plusieurs reprises de l’aide aux autres États membres. Avec sa politique et son attitude nationaliste, la Hongrie fait partie des pays qui ne se montrent pas solidaires à ces propos.
C’est pour cela que Sargentini a rédigé un rapport sur la situation en Hongrie, en espérant qu’il sera considéré pertinent par la Commission LIBE, pour ensuite en discuter en plénière à Strasbourg et porter le sujet devant le Conseil européen. Son objectif est de mettre en avant « l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’UE est fondée »(article 7 du traité sur l’UE). Il s’agit notamment d’une critique du « fonctionnement du système constitutionnel, l’indépendance du pouvoir judiciaire et d’autres institutions, la corruption et les conflits d’intérêts, la protection des données et de la vie privée, la liberté d’expression, la liberté académique, la liberté de religion, la liberté d’association, le droit à l’égalité de traitement, les droits des personnes appartenant à des minorités, y compris des Roms et des Juifs, les droits fondamentaux des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés et les droits sociaux. »
Des projets financés par des fonds européens sont minutieusement choisis
La Hongrie est un des pays membres qui profitent le plus des fonds européens. Dans le cadre financier pluriannuel actuel de 2014-2020, le pays reçoit environ 25 milliards d’euros de l’UE et le Premier ministre hongrois est très critiqué pour un manque de transparence dans les dépenses de cet argent. L’Office Européen de Lutte Antifraude (OLAF) a commencé des investigations pour découvrir si l’argent a été dépensé de manière abusive.
Viktor Orbán a réussi à créer des cercles économiques nationaux, en répartissant les richesses entre plusieurs oligarques dans un système de capitalisme hongrois. Dans ce contexte, le nom de Lajos Simicska, déjà mentionné, réapparait, car après avoir acheté Közgép, une modeste entreprise de construction ferroviaire, cette dernière est devenue une entreprise majeure du bâtiment, grâce aux commandes effectuées par l’État et par l’intermédiaire de fonds européens. Entre 2010 et 2015, 40% des projets financés par l’UE étaient attribués à Közgép, ce qui a contribué à l’agrandissement de l’entreprise et au bien-être de l’économie hongroise, mais également à la richesse personnelle de Simicska.
Dans le village natal d’Orbán, Lőrinc Mészáros, un autre vieil ami du Premier ministre hongrois, est passé, en quelques années, du statut d’un simple plombier chauffagiste à celui d’un homme prospère qui possède aujourd’hui près de 200 entreprises dans l’énergie, l’hôtellerie, les médias et l’agriculture. D’ores et déjà, Mészáros est maire du village et la cinquième personne la plus riche du pays. Curieusement, 83% des appels d’offres remportés par ses entreprises depuis qu’Orbán a été élu premier ministre en 2010, ont été financés par des fonds européens. La députée européenne Ingeborg Grässle, qui est également présidente de la Commission du contrôle budgétaire au PE, a déclaré que « Dans 36% des appels d’offres hongrois, il n’y a eu qu’un seul candidat. C’est inacceptable, la moyenne européenne est de 17%. »
Même le gendre d’Orbán, István Tiborcz, est soupçonné d’être impliqué dans des affaires frauduleuses concernant la distribution de fonds publics en provenance de l’UE. Le fil s’est transformé en une énorme toile dans le système hongrois, les trois pouvoirs de l’État extrêmement entremêlés, les fonctionnaires et hauts fonctionnaires sélectionnés pour leur loyauté, peu importe leurs qualités. Un système de freins et contrepoids, la base pour une démocratie moderne, semble impossible à réaliser.
L’avenir de la relation entre l’UE et la Hongrie
Dans les prochains mois, Viktor Orbán devra bien réfléchir à ses actions car il souhaite que l’éventuelle répartition des nouveaux fonds après le Brexit soit avantageuse pour son pays. Il y a de plus en plus de voix au PE et dans les capitales européennes qui demandent d’établir l’État de droit d’un pays comme critère pour la distribution des futurs fonds de cohésion européens. Avec son approche anti-européenne et suite aux investigations de l’OLAF, la Hongrie n’ira pas très loin à cet égard. Deux pays clés dans la formation des opinions au niveau européen sont l’Allemagne et la France, souvent perçus comme le moteur de l’UE et connus pour défendre les valeurs européennes. De plus, après les prochaines élections européennes, un nouveau cadre constitutionnel sera thématisé et une possible réalisation d’une Europe à plusieurs vitesses poserait un grand problème au Premier ministre hongrois, car il perdrait de l’influence sur le parquet européen. Néanmoins, faisant également partie du PPE, la chancelière allemande Angela Merkel n’ose pas toujours exprimer son opposition à ces propos, et contribue ainsi à une culture de silence.
Enfin, il est également important pour les institutions européennes de prendre la parole pour une autre raison : les tendances que l’on peut observer en Hongrie se produisent simultanément dans d’autres pays membres, comme par exemple la Pologne et la République tchèque. On peut constater beaucoup de parallèles en termes de lignes politiques et une non-action de l’UE signifierait l’acceptation d’une violation des valeurs européennes. L’euroscepticisme avance à grands pas dans plusieurs pays membres de l’UE et accepter des partis appartenant à ce courant dans les rangs des groupes pro-européens au PE n’a plus rien à voir avec le maintien d’un dialogue, mais se transforme en une politique inconséquente.
Pia Dittmar
Pour en savoir plus:
Site Web Transparency International Hungary:
Site Web Libération:
http://www.liberation.fr/planete/2018/04/09/en-hongrie-une-large-victoire-pour-viktor-orban_1642024
http://www.liberation.fr/planete/2018/04/06/hongrie-une-mise-au-pas-en-quatre-coups-de-force_1641684
Site web Le Figaro:
Site Web The Budapest Beacon:
https://budapestbeacon.com/hungary-by-now-is-no-longer-a-democracy-says-rutgers-r-daniel-kelemen/
Site Web Direkt 36:
https://www.direkt36.hu/en/longform/orban-jatszmaja/
Site Web New York Times:
https://www.nytimes.com/2018/04/08/world/europe/hungary-election-viktor-orban.html
Site Web Commission européenne:
Projet de rapport de la Commission LIBE sur la situation en Hongrie:
Site Web du Parlement européen:
http://web.ep.streamovations.be/index.php/event/stream/20180412-1000-special-presser
Site Web Le Monde:
Site Web le Taurillon :
https://www.taurillon.org/un-piedestal-de-plus-en-plus-instable-pour-viktor-orban
Site Web La Croix :
https://www.la-croix.com/Journal/En-Hongrie-systeme-cousu-main-Viktor-Orban-2018-02-21-1100915284
Site Web Tagesschau:
http://www.tagesschau.de/ausland/ungarn-parlamentswahl-109.html
Site Web Frankfurter Allgemeine Zeitung:
Site Web Politico :
https://www.politico.eu/article/hungary-left-wing-far-right-viktor-orban-dilemma/
https://www.politico.eu/article/new-communists-hungary-poland-viktor-orban-jaroslaw-kaczynski/
Site Web die Welt :
Site Web ZEIT:
https://www.zeit.de/politik/ausland/2018-04/ungarn-demonstrationen-viktor-orban