Le lundi 2 juillet 2018, la Commission européenne (CE) a lancé une procédure d’infraction à l’encontre de la Pologne. Ce mécanisme pourrait aboutir à terme à la saisine de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Cette action fait suite à l’entrée en vigueur le 3 Juillet 2018 de la dernière partie de la réforme judiciaire polonaise (3 Juillet 2018) très controversée et contraire à l’État de droit prôné par l’Union Européenne (UE). Nous assistons ainsi à l’application concrète par un parti polonais eurosceptique d’une politique populiste bien loin des valeurs et de l’intégration européenne. L’état démocratique de la 6ème démographie européenne inquiète l’Europe. Afin de comprendre les enjeux de la situation polonaise pour l’UE, il est tout d’abord nécessaire d’expliquer en quoi les réformes judiciaires en Pologne menacent l’État de droit, puis d’analyser les actions mises en place par l’UE avant d’enfin tirer les leçons de ce cas.
Des dérives polonaises « illibérales »
Depuis 2015, le gouvernement polonais a mis en place toute une série de réformes judiciaires et de décisions contraires aux valeurs européennes. Refus d’accueillir des réfugiés durant la crise de 2015 ou tentative de mise en place d’une loi sur l’IVG l’interdisant même en cas de graves pathologies ou d’handicap constaté chez le fœtus ; les dérives sont nombreuses. Quoi qu’il en soit deux réformes principales sont actuellement les plus controversées.
La première est celle du Conseil supérieur de la magistrature (KRS), lancée en décembre dernier, qui prévoit que les 15 membres du Conseil, garant de l’indépendance des juges, seront élus par la Diète, la chambre basse du Parlement. Ainsi cette réforme constitue clairement une entrave à l’indépendance de la justice polonaise selon les membres de l’opposition et les institutions européennes.
Toutefois, la réforme la plus contestée actuellement, lancée aussi en décembre 2017 vise la Cour Suprême polonaise. Elle prévoyait que le mandat des juges de la Cour Suprême âgés de plus de 65 ans expirait le 2 juillet 2018. Cette mesure, qui est entrée en vigueur le mardi 3 juillet 2018 touche 27 magistrats (27/72, soit un tiers des juges), dont la présidente de la Cour Malgorzata Gersdorf. La réforme leur donne toutefois la possibilité de demander à continuer d’exercer leurs fonctions en adressant leur demande au Président de la République accompagné d’un certificat médical certifiant leur bonne santé. 16 juges sur les 27 visés par la mesure ont déposé une telle demande, pensant qu’il est de leur devoir de continuer leur travail.
Onze d’entre eux ont décidé de ne pas accepter cette possibilité et devraient invoquer leur inamovibilité constitutionnelle. La présidente de la Cour suprême, Madame Gersof, fait partie de ces 11 juges. En effet, comme la durée de son mandat de six ans est inscrite dans la Constitution polonaise, elle entend s’appuyer sur ce document, base de la législation polonaise afin de refuser de quitter son poste. C’est ainsi qu’au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi en question, Madame Gersof est venue travailler comme à l’habitude. Le Président de la République polonais Andrzej Duda avait pourtant signifié mardi 2 juillet 2018 à Madame Gersof que pour lui elle était déjà à la retraite, ayant atteint l’âge de 65 ans. Ce à quoi la présidente de la Cour suprême a répondu « Quant à mon statut de présidente de la Cour suprême, il ne change pas après ma conversation avec le président de la République. Demain j’irai au travail, car la Constitution fixe mon mandat à six ans »[i], donc jusqu’en 2020. Par ailleurs le Président Duda a nommé le juge Juzeph Iwulski (Président de la Chambre du travail et des assurances sociales) pour assurer l’intérim de Madame Gersof en attendant l’élection de son successeur, ceci alors que Monsieur Iwulski a 65 ans et est donc concerné par la mesure qui démet Madame Gersof de ses fonctions. La Présidente de la Cour suprême n’a opposé aucune résistance à ce choix, estimant que c’était un « bon juge ». Pour le politologue Ireneusz Krzeminski « on peut imaginer une sorte d’entente entre le juge Iwulski et la Présidente Gersdorf, qui permettra à cette dernière de rester en poste jusqu’à ce qu’on voit un nouveau développement de la situation et un signal du Luxembourg », siège de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE)[ii].
Le Premier ministre polonais, entendu le 26 juin 2018 par le Conseil des affaires générales dans le cadre de la procédure lancée par le Parlement européen fin 2017, a justifié cette réforme en raison « de leur passé au service des services secrets communistes ». En effet, selon le parti au pouvoir, le PiS (Parti droit et justice, « Prawo i Sprawiedliwość » en Polonais) cette loi permet d’améliorer l’efficacité du tribunal et de rompre avec les pratiques remontant au régime communiste. Il a ajouté que « tout pays de l’UE a le droit d’élaborer son système judiciaire selon ses propres traditions. On ne peut pas dicter à un État membre les conditions de l’État de droit »[iii]. La Pologne justifie ainsi ses actions par la marge d’appréciation accordée par l’Union aux États membres dans leur politique.
Le PiS est le parti conservateur Polonais arrivé en 2015 à la tête du pays. Le chef du parti, Jaroslaw Kaczynski, entend agir afin de créer une rupture avec l’ancien ordre constitutionnel établi et ériger une « IVème République ». Si certains ont pu comparer la politique du Parti Droit et Justice à celle de Fidesz, le parti d’Orban en Hongrie, celles-ci sont bien différentes. En effet, le parti Hongrois est à l’origine un parti libéral fondé par Orban en 1990 qui a évolué vers la droite nationaliste conservatrice et plus récemment vers ce que le gouvernement appelle lui-même la construction d’un État « illibéral[iv] », c’est-à-dire un État où la souveraineté du peuple ne doit souffrir aucune entrave. Au contraire, le PiS est un parti radical depuis ses origines puisque dès 1990 il préconise une « décommunisation » du pays. Ces deux partis prônent toutefois un État « illibéral ».
Selon le journaliste polonais Tomasz Piatek, lauréat du prix TV5-Reporters sans frontière pour la liberté de la presse, la particularité du PiS est qu’il a pris le contrôle des médias et de la Cour Constitutionnelle. Ce sont les premières cibles de cette politique illibérale. Le PiS se fait passer pour un parti anti-communiste et antirusse alors qu’il se comporte comme un « parti communiste des années 1980 ». Il est aujourd’hui bien plus anti-allemand, anti-ukrainien, anti-européen qu’anti-russe selon le journaliste. Pourtant la popularité du PiS ne diminue pas puisqu’il détruit les médias publics au profit de médias appelés « nationaux » qui leur sont favorable.
Si le système polonais ne peut pas être qualifié d’approche politique à la Poutine ou Erdogan, selon Grzegorz Ekiert, professeur à Harvard : « un système institutionnel autoritaire a été mis en place, donnant un pouvoir sans restriction au parti au gouvernement. Bien que ce ne soient pas [une] dictature, la transformation en un régime autoritaire s’accroît considérablement à chaque nouvelle législation qui vise de fait à élargir le pouvoir du gouvernement. Il n’y a plus de garanties que les prochaines élections seront libres et équitables ». C’est en cela que beaucoup s’inquiètent de l’avenir démocratique de la Pologne, à commencer par l’UE qui a mis en place toute une série de procédures visant Varsovie.
Quelles sont les actions de l’Union Européenne face aux violations de l’État de droit en Pologne ?
Face aux diverses réformes polonaises, l’Union Européenne a bien entendu réagit. Si depuis 2015 les relations sont tendues entre Bruxelles et Varsovie, des actions concrètes ont été entreprises dès 2017. Actuellement, la Pologne est sous le coup de trois procédures provenant de l’UE[v].
La première a été intentée le 29 Juillet 2017 afin que Varsovie s’explique concernant la réforme de ses tribunaux ordinaires. Elle laissait un mois à la Pologne pour répondre aux exigences de la Commission sinon des sanctions financières pourraient être engagées.
La deuxième procédure visant la Pologne a été mise en place le mercredi 20 Décembre 2017. Cette procédure est le déclenchement de l’article 7 du Traité de l’Union Européenne (TUE). Le but de cet article est de s’assurer que tous les membres de l’UE respectent les valeurs communes de l’Union Européenne dont l’État de droit.
Source : Parlement Européen
Qu’est-ce que l’État de droit ? L’État de droit est l’État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. Dans ce modèle, chaque règle tire sa validité de sa conformité aux règles supérieures. Un tel système suppose donc l’égalité des sujets de droit devant les normes juridiques et l’existence de juridictions indépendantes.
Lorsque la procédure de l’article 7 est enclanchée, 2 possibilités légales sont envisagées. Tout d’abord il existe un mécanisme préventif en cas de risque clair de manquement aux valeurs Européennes (Article 7(1) TUE). Ce mécanisme permet au Conseil de donner au États membres concernés une alerte avant qu’une violation sérieuse n’arrive. Le second processus est un mécanisme de sanction en cas d’existence d’une infraction sérieuse et persistante aux valeurs européennes, notamment l’État de droit (Article 7(2) and Article 7(3) TUE). Le mécanisme de sanction permet au conseil d’agir si une violation sérieuse et persistante existe. Souvent qualifié « d’arme nucléaire institutionnelle », cette procédure inclut la suspension de certains droits dérivants de l’application des traités de l’Union Européenne, le droit de vote inclus. Mais dans un tel cas la violation doit avoir été persistante depuis quelques temps. Malgré l’utilisation de l’article 7 comme menace envers certains États, le processus n’a jamais été utilisé jusqu’à aujourd’hui[vi].
Afin de déterminer l’existence d’une violation sérieuse et persistante de l’État de droit, le Conseil Européen doit agir à l’unanimité, après avoir obtenu le consentement du Parlement européen. L’État membre concerné doit d’abord avoir été invité à délivrer ses propres observations. Pour sanctionner un État membre pour une violation sérieuse et persistante de l’État de droit, le conseil doit agir à la majorité qualifiée. C’est dans ce cadre que le premier ministre polonais, Mateusz Morawieck, a été invité à présenter ses observations devant le Conseil des affaires générales le 26 Juillet 2018, après qu’une violation manifeste de l’État de droit ait été établit.
Actuellement la Pologne en est donc au stade du mécanisme préventif mais Bruxelles peine à avancer de la simple constatation d’un « risque clair de violation grave » des valeurs de l’Union. C’est d’ailleurs en ce sens que la Commission a lancé une procédure d’infraction le 2 Juillet dernier. Ce troisième mécanisme vise cette fois à « protéger l’indépendance de la Cour Suprême » polonaise. Elle constate que malgré les diverses actions lancées contre Varsovie, aucune avancée ne s’est fait ressentir de sorte qu’une procédure en « infraction de toute urgence » a été lancée. L’exécutif européen, garant des traités, a envoyé une « lettre de mise en demeure » à la Pologne, première étape d’un processus qui peut aller in fine jusqu’à la Cour de justice de l’UE et à d’éventuelles sanctions financières. Il donne un mois à la Pologne pour répondre. La procédure se poursuit de sorte que le Conseil des ministres des affaires européennes a arrêté une prochaine date d’audition le 18 septembre prochain afin d’interroger la Pologne sur les derniers évènements relatifs à la Cour suprême.
Par ailleurs dans le contexte de la négociation sur le budget européen qui a été présenté début mai, la possibilité d’établir un lien entre l’accès aux fonds de cohésion et le respect de l’État de droit a pu être évoqué.
Alors que le premier ministre polonais défendait sa politique au nom du renouvellement politique et du détachement du passé communiste du pays estimant que certains juges n’étaient pas impartiaux, les députés européens ont quant à eux pointé du doigts le manque de considération de l’État de droit lors de l’audition. C’est ainsi que la coprésidente des Verts, Ska Keller, a rappelé à l’ordre le Premier ministre polonais : « Vous avez presque inventé la démocratie, mais vous retirez aujourd’hui la Pologne de la voie démocratique. Vous placez des juges à la retraite. Vous emprisonnez des personnes qui ne sont pas d’accord avec vous. Vous menacez la liberté de la presse ». Des paroles renchéries par Udo Bullmann, le chef de file des sociaux-démocrates (S&D) « La Pologne doit revenir au cœur de l’Europe, ne détruisez pas les valeurs au sein de votre propre pays ». Guy Verhofstadt du groupe ADLE (Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe), a tout de même reconnu l’objectif légitime des réformes de la justice alors que la confiance des Polonais en leur système judiciaire serait relativement faible, tout en critiquant les méthodes utilisées.
Cependant, l’aboutissement de la procédure est peu probable. En effet, afin que des sanctions soient mises en place il est nécessaire que le Conseil européen, c’est-à-dire les 28 États qui en font partie votent en faveur de sanctions. Toutefois il est évident selon Jacques Rupnik, politologue spécialiste de l’Europe centrale et orientale, que des sanctions contre Varsovie sont inenvisageables puisque « La Hongrie a déjà dit qu’elle ne voterait pas une telle sanction contre la Pologne »[vii]. La Hongrie partageant les idées polonaises du moment et étant aussi menacée par l’UE de sanctions, Budapest ne cèdera pas au vote en faveur de l’imposition de sanctions. Néanmoins, pour Jacques Rupnik, si l’élaboration de sanctions via l’article 7 du TUE n’est pas possible, la simple menace de mise en application peut contribuer à l’abrogation des lois en question. Dès lors, on peut se demander si cet article n’est pas condamné à n’être que menace. En effet, la mise en œuvre de sanctions ne pouvant s’effectuer que si tous les États membres sont d’accord, les alliances entre pays européens étant récurrentes, il y a peu de chance pour que la procédure de l’article 7 aboutisse un jour.
Quoi qu’il en soit, alors que les manifestations se multiplient dans le pays, l’Europe et ses actions donnent de l’espoir à la population polonaise. Ceci malgré le fait que l’Europe peine à avancer et à obtenir des résultats. Il est ainsi intéressant de comprendre les raisons et les enseignements à retirer de la situation en Pologne.
Quelles leçons retirer du cas polonais pour l’Europe?
Au regard de ce qui a pu être précédemment dit, on ne peut que constater la lenteur de l’UE face au défi de l’État de droit en Pologne. Hésitations à punir un État membre, manque d’unanimité ou lourdeur institutionnelle, les raisons de ce manque de rapidité sont multiples.
Il s’avère tout d’abord que la mise en œuvre de l’article 7 du TUE est très lourde. Comme expliqué précédemment, la procédure implique diverses constatations, auditions et votes y compris à l’unanimité, ne permettant pas à l’Union d’être rapide et donc efficace en la matière. L’exemple de la Pologne démontre encore une fois que le système européen complexe dessert son action. L’Europe ne possédant pas de Tribunal de droit Constitutionnel permettant de juger de la légalité de l’État de droit d’un pays, il est difficile de sanctionner les États. Selon Martin Michelot, directeur adjoint de l’Institut EUROPEUM à Prague, « il n’y a jamais eu de stratégie claire de la Commission sur comment faire respecter la règle de droit sur le territoire européen« [viii]. C’est ce manque d’uniformisation et de centralisation politique qui pose désormais problème pour légitimiser l’action de l’Union.
L’UE, prétendant disposer d’une politique unie autour de valeurs communes aux États membres, est donc clairement en mal de crédibilité et de cohérence. Les différents arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CrEDH) en sont la démonstration ; les États membres adoptent différentes politiques adaptées à la diversité de leurs valeurs. C’est dans ce sens que le Premier Ministre polonais revendique les traditions nationales dans l’intérêt de ses citoyens afin de justifier une politique populiste, déviante de celle préconisée par l’UE[ix]. Par ces arguments il justifie une Europe « à la carte » qui a déjà par plusieurs fois fragilisée l’Union, mais illustre aussi que la Pologne rencontre des difficultés à s’insérer et à répondre aux exigences de l’Union notamment depuis 2015.
Car c’est bien de la difficile intégration des pays post-communistes dont il s’agit ici. C’est peut-être cette déclaration de Mateusz Morawiecki face aux députés européens qui permet d’apporter un élément de compréhension : « Sans le rideau de fer et la tragique division de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, la Pologne aurait été parmi les fondateurs de l’Union européenne ». Indéniablement européenne, la Pologne traverse une crise dans son appartenance à l’Union qui trouve son origine à la fois dans une histoire trouble et dans les défis d’un monde récemment interconnecté. Si Varsovie comme Budapest, lors de leur entrée dans l’Union voyaient en Bruxelles un ancrage démocratique irréversible, depuis 2016 Jaroslaw Kaczynski et Viktor Orban ont préconisé ensemble au sommet de Krynica, une « contre-révolution culturelle en Europe » niant ainsi tous les efforts d’intégration au profit du changement. Entre volonté d’indépendance, de grandeur mais aussi de puissance la question de l’intégration à l’Union est un véritable défi pour le pays. L’ancien Premier ministre belge a lors d’un débat à la Commission, invité la Pologne à rentrer dans les rangs : « Arrêtez de rêver (…) même l’Allemagne est devenue aujourd’hui un petit pays. Ce n’est qu’ensemble que nous ferons face aux empires comme la Russie et la Chine. » En effet, la Pologne ne peut pas prétendre faire cavalier seul dans le contexte actuel. De plus, de l’État de droit de la Pologne dépend l’avenir de l’Europe tout entière. Autrefois modèle de la « success story » de l’élargissement de l’UE concrétisé par la nomination de Donald Tusk, ancien Premier ministre polonais, à la présidence du Conseil, la Pologne s’enlise désormais dans une vision Est/Ouest de l’Europe. C’est en cela que les affaires internes en Pologne intéressent tout particulièrement l’UE et constituent un enjeu pour elle.
La situation polonaise représente aussi un défi pour l’Union Européenne en ce qu’elle n’est pas isolée. En effet les pays du groupe Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) sont en totale opposition avec la politique migratoire européenne, ces États ne souhaitant pas accueillir de réfugiés sur leur territoire. Par ailleurs, que ce soit en Hongrie, Pologne, Slovaquie ou Croatie, on assiste clairement à une régression de la démocratie, à des dérives autoritaires fréquentes. Tous ces États ne respectent plus les critères de Copenhague c’est-à-dire l’ensemble des conditions d’accès à l’Union ; et notamment la mise en place d’institutions « stables garantissant l’état de droit, la démocratie, les droits de l’homme, le respect des minorités et leur protection »[x]. Selon Enrico Letta, Président de l’Institut Jacques Delors : « l’Europe a manqué de rendre permanente l’application des fameux critères de Copenhague, au moment de l’élargissement ». Mais c’est bien la Pologne et la Hongrie qui inquiètent le plus par leurs politiques « illibérales » niant l’indépendance de la justice ou la liberté de la presse. Cependant le cas Polonais a été pris beaucoup plus rapidement au sérieux par la CE que le cas Hongrois, ce dernier constituant jusqu’à présent un échec pour Bruxelles.
L’action de l’UE envers la Pologne démontre enfin qu’elle peut aussi agir et sanctionner ses États membres. Il a pu souvent être reproché à l’UE de ne donner des leçons qu’aux États non membres de l’Union et d’ignorer les violations commises à l’intérieur de ses propres frontières. Ici, par ses diverses procédures l’Union prouve que son action n’est pas si partiale que l’on a pu le dire et que l’État de droit doit toujours être protégé aujourd’hui en Europe. En effet, le Brexit, la montée des périls extérieurs (Putin en Russie, Erdogan en Turquie, Trump aux USA, le terrorisme) ont entrainés une « repolitisation » de l’Europe qui se penche désormais sur les défis de la démocratie et de l’État de droit en son sein[xi].
Si diverses idées de solution à cette crise se font entendre (restriction accrue des fonds européens, aide aux médias indépendants et à la population pro-européenne polonaise) la question de l’État de droit en Pologne est incontestablement dans une impasse. Cependant l’Europe peut-elle agir davantage ? Cela semble bien difficile. Les Polonais ont voté à 39,1% pour un gouvernement ultra-conservateur, la popularité du PiS est donc un réel obstacle pour l’action de l’UE, même si tout membre de l’UE se doit de respecter les valeurs Européennes. Les regards se tournent donc vers 2019, une année déterminante pour la Pologne et l’UE. Les résultats des élections européennes de 2019 seront donc clairement décisifs afin de déterminer quel avenir les citoyens choisiront pour l’Union.
Maurane Delpeuch
Pour plus d’informations :
[i] Libération du 03/07/2018, http://www.liberation.fr/planete/2018/07/03/pologne-l-elite-des-juges-descend-dans-la-rue_1663714
[ii] Le Point, 03/07/18, http://www.lepoint.fr/monde/pologne-la-presidente-de-la-cour-supreme-defie-le-pouvoir-politique-03-07-2018-2232878_24.php
[iii] Radio France Inter, http://www.rfi.fr/europe/20180702-procedure-infraction-ue-contre-pologne-reforme-justice-duda-commission-europeenne
[iv] Discours de Viktor Orban, The Budapest Beacon, 26 juillet 2014
[v] France 24, http://www.france24.com/fr/20180702-union-europenne-recours-procedure-pologne-reforme-cour-supreme-independance-ue
[vi] Parlement Européen website, http://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/eu-affairs/20180222STO98434/etat-de-droit-en-pologne-comment-fonctionne-l-article-7-infographie
[vii] Radio France Inter, http://www.rfi.fr/europe/20180702-procedure-infraction-ue-contre-pologne-reforme-justice-duda-commission-europeenne
[viii] Toute l’Europe, https://www.touteleurope.eu/actualite/criteres-de-copenhague-25-ans-apres-quel-bilan.html
[ix] Le Taurillon, https://www.taurillon.org/pologne-au-dela-de-l-etat-de-droit-l-avenir-de-l-union
[x] Conseil européen de Copenhague, Juin 1993
[xi] Confrontations Europe, http://confrontations.org/la-revue/le-tournant-illiberal-de-la-hongrie-et-de-la-pologne/