Qu’est-ce que la neutralité du Net ?
La neutralité du Net est un principe fondateur d’Internet qui garantit que les opérateurs télécoms ne discriminent pas les communications de leurs utilisateurs, mais demeurent de simples transmetteurs d’information. Ce principe permet à tous les utilisateurs, quelles que soient leurs ressources, d’accéder au même réseau dans son entier. La neutralité est aujourd’hui remise en cause à mesure que les opérateurs développent des modèles économiques qui restreignent l’accès à Internet de leurs abonnés, en bridant ou en bloquant l’accès à certains contenus, services ou applications en ligne (protocoles, sites web, etc.), ainsi qu’en limitant leur capacité de publication. Face à ces velléités de mettre à mal l’architecture décentralisée d’Internet, et la liberté de communication et d’innovation qu’elle rend possible, il est indispensable que le législateur garantisse la neutralité du Net. Les opérateurs doivent être sanctionnés s’ils discriminent de manière illégitime les communications Internet, que ce soit en fonction de la source, du destinataire ou de la nature même de l’information transmise. À défaut, seuls les utilisateurs d’Internet en mesure de payer un accès privilégié pourront bénéficier des pleines capacités du réseau.
Quels en sont les enjeux ?
La neutralité du Net protège à la fois les internautes et les sites web, car elle empêche les fournisseurs d’Internet de ne facturer aux utilisateurs qu’une poignée de sites ou de forcer les sites à payer des frais s’ils veulent que les données qu’ils envoient soient plus fluides. C’est pourquoi la décision prise par l’administration Trump – et plus particulièrement par la Federal Communications Commission (FCC) et son président, Ajit Pai – est si importante pour les citoyens américains, ainsi que pour le reste du monde en général. En mettant fin à la neutralité du Net dans leur pays, le gouvernement américain menace effectivement ce concept ailleurs, car il a également été adopté comme une étape test pour l’étranger. Si le modèle fonctionne aux Etats-Unis, il sera alors plus que probable qu’il soit décliné dans d’autres Etats. En Europe, il y a eu un débat similaire sur la neutralité du Net au sein de l’Union. En 2015, les autorités européennes s’interrogeaient sur une possible remise en cause de la neutralité du Net. Ces préoccupations ont notamment résulté du fait que le Parlement européen avait choisi de ne pas voter pour un ensemble d’amendements censés renforcer la protection de la neutralité d’Internet. Les amendements à une réglementation européenne existante étaient censés mieux encadrer et préciser encore plus comment préserver la neutralité du Net. Le règlement adopté en 2014 avait en effet été critiqué pour son manque de précision sur une question comme celle-ci.
Pourquoi remettre en cause la neutralité du Net ?
Face à une demande et une sollicitation de l’Internet croissante, la neutralité du Net pourrait, à terme, poser problème :
– La demande pour une connexion Internet continue de croître et le trafic sur le réseau mondial utilisant le Internet protocole (IP) a plus que triplé entre 2012 et 2017, notamment avec la démocratisation des appareils sans fils et mobiles.
– Les applications mobiles utilisent une grande partie du trafic et un nombre grandissant de données ; c’est le cas des applications de communication vocale utilisant internet (WhatsApp, Viber, Messenger etc. utilisant le protocole VoIP), également des applications de streaming (IPTV) ou encore les jeux en ligne.
– L’infrastructure réseau en Europe ne se développe pas assez rapidement selon la Commission européenne et les investissements privés dans le très haut débit sont primordiaux pour atteindre les objectifs fixés par la stratégie Europe 2020.
Que faut-il penser ?
D’une part, des organisations telles que European Digital Rights (EDRi), La quadrature du net (France), Bits of Freedom (Pays-Bas) et AccessNow sont fortement en faveur de la neutralité du Net. A ce titre, 8 de ces organisations se sont regroupées pour créer le site web saveyourinternet.eu afin de s’opposer à un internet à plusieurs vitesses. Le Bureau européen des Unions de Consommateurs (BEUC) soutient que la législation européenne devrait garantir que les consommateurs obtiennent le niveau de connectivité promis, accéder aux services et aux applications de leur choix et être informés sur le moment et la manière dont le trafic est géré.
D’autre part, l’Association européenne des opérateurs de réseaux de télécommunications (ETNO) préconise une définition plus large des services spécialisés, une plus grande flexibilité dans la gestion du trafic et l’établissement de niveaux de qualité de service minimum en cas de défaillance significative du marché. La GSMA, qui représente les opérateurs mobiles dans le monde entier, craint que la neutralité du Net ne réduise la flexibilité des opérateurs en offrant des services personnalisés, limitant ainsi le choix des consommateurs et les incitations des opérateurs à investir dans l’infrastructure.