Article initialement publié sur Sauvons l’Europe
Chacun l’aura compris, la seule véritable interrogation concernant les conséquences des élections bavaroises concerne avant tout Berlin. A Munich, les choses sont d’ailleurs assez claires : malgré son recul sans précédent, la CSU n’aura aucune difficulté à former un nouveau gouvernement régional avec des régionalistes du FW qui ne demandent que cela et la proximité idéologique entre les deux formations devrait garantir une législature sans trop de turbulences. A Berlin, les choses seront un peu différentes. Encore que…
Le paradoxe est que, au fond d’elle-même et en bonne stratège qu’elle est lorsque les choses concernent sa propre survie politique, Angela Merkel ne doit pas être totalement mécontente du déroulement des événements en Bavière. Certes, elle avait tout à craindre d’un affaiblissement de ses alliés de la CSU et sur ce plan, la défaite est majeure. Mais le déroulé des événements ne lui est pas si défavorable : rappelons nous de Seehofer, ministre de l’Intérieur qui, déjà affolé par la mauvaise tournure des sondages et les pertes importantes enregistrées par sa formation aux dépens de l’AfD, avait cru bon devoir provoquer une crise gouvernementale majeure en durcissant ses positions sur l’immigration. Or, c’est précisément à partir de cet instant qu’une partie de l’électorat plus modéré et de centre droit a déserté la CSU pour se tourner vers les Verts, grands vainqueurs du scrutin, faisant ainsi perdre la CSU sur les deux tableaux. Les électeurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, une enquête d’opinion montrant que 66% d’entre eux considèrent que c’est bien Seehofer et non Merkel qui est le principal responsable des mauvais résultats de la CSU. Il n’est donc pas certain que la CSU se lance dans une nouvelle bataille pour tenter d’obtenir la peau de Merkel et du reste, si celle-ci devait s’effacer, on peut supposer que les actions de Annegret Kramp-Karrenbauer, la dauphine préférée de la Chancelière, ont un peu remonté. Or, il est de notoriété publique qu’elle n’est absolument pas l’héritière dont rêvent les Bavarois de la CSU. Même si elle est loin d’être tirée d’affaire, on peut donc penser qu’Angela Merkel s’offre un peu de répit en interne mais tout pourrait à nouveau être bouleversé dans deux semaines avec les élections en Hesse.
Et si le véritable souci d’Angela Merkel n’était pas tant le recul de son allié que la déroute enregistrée par ses partenaires/adversaires du SPD ? La Bavière est une terre hostile pour les Sociaux-Démocrates, mais de là à tomber en dessous des 10%, le calice aura été bu jusqu’à la lie. Le plus contrariant est encore que le SPD faisait 15.3% dans le Land il y a un an seulement lors des élections générales. Une fois de plus, la question du maintien ou non de la GroKo va se poser avec acuité, entraînant toujours les mêmes migraines dans les cerveaux surchauffés des stratèges du parti. Le SPD peut constater à quel point l’échec des négociations noire-jaune-verte a été profitable aux Verts qui, depuis, volent de succès en succès. D’un autre coté, les Verts ont eu le beau rôle dans cette histoire, bénéficiant de l’échec sans en porter la responsabilité ; contrairement au FDP qui semble le payer encore, ayant été ceux qui ont pris l’initiative de la rupture. La question était différente pour le SPD : soit le poison lent d’une nouvelle GroKo, soit la mort rapide et immédiate lors de la répétition des élections qui ne pouvait que tourner au désastre pour les Sociaux-Démocrates dans un pays aussi légitimiste. Et comme le pire est toujours possible, les choses se sont encore aggravées depuis. Le SPD peut il continuer à s’effondrer de scrutin en scrutin tout en avalant des couleuvres de plus en plus indigestes comme l’ont montré les récentes affaires Seehofer ? D’un autre coté, peut-il prendre le risque d’une élection anticipée qui pourrait consacrer une totale « weimarisation » du Bundestag avec un fractionnement inédit depuis la création de la République Fédérale tandis que certains sondages annoncent déjà le SPD en 4e position derrière l’AfD et les Verts ? Par sa déclaration surprenante, Wolfgang Schauble a peut être esquissé une possible solution en affirmant il y a quelques jours que la CDU ne devait pas craindre un éventuel gouvernement minoritaire. Sans doute s’imagine-t-il en chancelier de transition en mesure de diriger ce cabinet qui serait davantage « CSU compatible » tout en offrant une possibilité de sortie au SPD sans la guillotine sèche de nouvelles élections immédiates. Un cabinet Schauble sans le SPD serait en revanche une bien mauvaise nouvelle pour la France et l’Europe.
Bref, beaucoup de questions en suspens et davantage d’interrogations que de réponses à ce stade.
Prochain épisode dans quinze jours avec des élections en Hesse au moins aussi importantes.
Article intéressant pour ce qui est de l’Allemagne.Ceci dit, un autre scrutin au sein de l’UE mérite lui aussi quelques coups de projecteur: il s’agit des élections communales et provinciales qui ont pris place également dimanche en Belgique.On pourra toujours être tenté de relativiser les résultats, s’agissant de votes à portée essentiellement locale. Mais ce serait négliger l’importance d’une vie communale qui prend d’autant plus de relief que la dimension nationale d’un pays de 11 millions d’habitants pourrait apparaître modeste… et sans négliger le fait que des résidents étrangers, assez nombreux, bénéficient eux aussi du droit de vote à ce niveau municipal.Or, les résultats globaux – qui, certes, peuvent appeler des appréciations nuancées selon les régions dans un pays marqué par de forts clivages linguistiques – ont fait incontestablement apparaître ce que la presse nationale qualifie de « vague verte accompagnée d’une marée rouge ». D’une part, les écologistes remportent de notables succès, y compris à Bruxelles, où ils seront appelés à administrer des communes importantes. D’autre part, le Parti du Travail de Belgique (PTB), emblème d’une gauche radicale, réalise une grosse percée dans certaines municipalités en Wallonie.Pour le reste, le Parti socialiste résiste tant bien que mal, tandis que les ex-chrétiens démocrates aujourd’hui regroupés sous la bannière des « humanistes » du CDH stagnent et que le Mouvement réformateur (MR), parti de tendance libérale du Premier ministre, enregistre des reculs. On notera aussi qu’en Flandres les partis conservateurs (nationalistes flamands au premier chef) maintiennent leurs bastions – tel Anvers – tandis que les socialistes (SP.a ) accusent un net recul.Encore une fois, le caractère local de ces élections où, comme dirait le général de Gaulle, l’ « équation personnelle » des bourgmestres joue un grand rôle, ne saurait préjuger de résultats à une plus grande échelle de vote. Mais il convient d’être d’autant plus attentif aux prochains scrutins à plus ou moins brève échéance: les européennes au printemps, les législatives en 2019. Des clignotants ont pu être allumés…