La Plateforme Citoyenne Européenne (« European Citizen Platform » ou ECP) a organisé le mardi 4 décembre, avec le soutien du Conseil consultatif des Affaires européennes de la Commune d’Ixelles, une rencontre sur « Le changement climatique, vous et l’Europe », à l’occasion de la COP24 qui se tenait du 3 au 14 décembre 2018. L’objectif de cette rencontre citoyenne consistait à faire entendre la voix des citoyens souhaitant débattre du changement climatique, notamment de ses enjeux politiques et sociaux. Cet évènement a été organisé dans le cadre des consultations citoyennes sur l’avenir de l’Union européenne qui sont organisées jusqu’aux élections au Parlement européen fin mai 2019. L’Hôtel communal d’Ixelles (168 Chaussée d’Ixelles, 1050 Bruxelles) a été le lieu choisi pour accueillir ce débat.
Jacques de Gerlache, expert en écotoxicologie, introduit la de séance et en tant que modérateur du débat, observe qu’il est essentiel de s’informer soi-même sur toutes ses dimensions (qu’il s’agisse d’en évaluer ses impacts globaux ou pour acquérir des connaissances sur des modes de vie plus respectueux de la planète par exemple) et ce, afin de se forger une opinion sur les enjeux climatiques. C’est à cet effet qu’il a ainsi recommandé aux présents de consulter le site Internet de l’association non gouvernementale « GreenFacts » (dont il est le co-fondateur et coordinateur général, accessible à travers ce lien : https://www.greenfacts.org/fr/dossiers/changement-climatique.htm) qui publie depuis 2002 des résumés de rapports scientifiques internationaux révisés par des experts indépendants. Certaines des publications présentes sur le site sont notamment réalisées sous contrat avec la DG de la santé et des consommateurs de la Commission européenne qui supervise ces publications.
Le modérateur a également souligné dans une présentation sur la gestion des enjeux liés aux transitions énergétiques, que tous les problèmes en la matière sont bien souvent traités de manière simpliste par les médias et les autorités publiques. Ce qui met en lumière la nécessité de rendre compte de la complexité de la transition énergétique dans le débat public. Il revient sur les conséquences du réchauffement climatique en soulignant par exemple à quel point 2°C de température en plus peuvent représenter un changement conséquent pour la vie de la planète et pour celle des individus. Par ailleurs, nous sommes en présence de véritables bouleversements climatiques et non pas de simples changements linéaires, bouleversements dont on commence à voir les manifestations avec par exemple la fonte des glaciers du Groenland, la disparition de la forêt amazonienne, l’arrêt de la mousson indienne, entre autres phénomènes. La gestion des énergies impose par conséquent d’examiner pour chaque source d’énergie disponible sur Terre (l’énergie nucléaire, hydraulique, le gaz naturel, le charbon, le pétrole, etc…) les conséquences de leur transformation, de leur exploitation,et de leurs usages ainsi que de leur recyclage et de leur fin de vie. Or, les acteurs politiques et, plus largement, ceux du changement climatique ne semblent pas toujours conscients des composantes de la gestion des enjeux énergétiques.
En définitive, Jacques de Gerlache met en avant la nécessité pour les autorités politiques ou les entreprises de ne pas simplifier le problème climatique : c’est ainsi qu’il préconise une méthode intégrative dans l’analyse des enjeux de transition énergétiques, c’est-à-dire gérer opérationnellement les trois dimensions de la transition énergétique en prenant en compte les attentes des parties prenantes (telles que la société globale et ses représentant institutionnels, les ONG, les marchés, les clients, les communautés locales ou encore l’environnement naturel), les contraintes (par exemples écologiques, physico-chimiques, sociales ou financières) pour examiner chaque enjeu dans le projet de transition(s) énergétique(s). Le modérateur rappelle néanmoins que cette méthode intégrative apparait compliquée à mettre en place mais qu’elle reste indispensable : elle présente des réussites dans plusieurs secteurs tels que la qualité des eaux, la couche d’ozone ou encore la pollution chimique de la Mer du Nord.
Il faut vaincre le principe d’inertie
Avant l’intervention même de Jacques de Gerlache, la consultation citoyenne a démarré avec un court quizz réalisé par l’association Eu-Logos Athéna, ce quizz a servi de point de départ pour la mise en place d’un débat durant lequel plusieurs problématiques ont été soulevées. C’est le cas notamment de la question de l’articulation de l’action pour le climat entre le niveau mondial (macro) et communal (micro) puisque cette action passe également par un usage citoyen responsable de la consommation d’énergie. Concernant l’action des autorités publiques, tout d’abord, une difficulté est de maîtriser l’influence des lobbies : l’Union européenne par exemple avait mis en place une taxe intra-européenne des avions, alors qu’une convention internationale de 1994 exonère le kérosène. Malheureusement, l’initiative n’a pas résisté à la pression des intérêts en place.
Aussi doivent être proposées des alternatives aux citoyens pour réduire leur empreinte carbone et plus le nombre de communes prendra conscience de ces initiatives, plus le niveau de conscience s’agrandira (en passant ainsi d’un niveau de conscience local à un niveau de conscience mondial). C’est ainsi qu’au niveau individuel, l’effort est essentiel : plusieurs témoignent de leur changement de comportement (recours au train et aux transports en commun, diminution voire cessation de la consommation de viande, refus d’acheter l’eau en bouteille plastique et usage de l’eau du robinet, qui devrait être offerte gratuitement dans les restaurants …). Nombre de participants ont également souligné la nécessité de diffuser le message au niveau des écoles et des universités (importance de l’éducation).
Les citoyens semblent estimer que l’Union européenne possède un niveau de compétences suffisant pour agir et imposer à tous les Etats membres des normes, mais peut-être fait-elle encore preuve de timidité sur la question. Pour autant, il ne faut pas nier l’efficacité de la législation européenne en matière environnementale, puisque l’essentiel des législations nationales sur la lutte contre le réchauffement climatique sont nées sous l’impulsion de l’Union européenne. Certains toutefois rappellent que les Etats membres (l’intergouvernemental) sont maîtres du jeu et que les positions prises au Parlement et au Conseil ne sont pas transparentes.
La vaste majorité des présents se sont exprimés en faveur des sanctions, certains participants estimant toutefois que les incitations pourraient peut-être se révéler plus efficaces que les sanctions sans pour autant supprimer ces dernières.
Les partenariats entre initiatives citoyennes et le monde politique devraient se faire plus nombreux : il y a en effet des règles à émettre et par conséquent un échange entre ces deux mondes est nécessaire. Il faudrait donc idéalement selon les situations rencontrées, privilégier à la fois l’incitation et la sanction. A l’échelle de l’Union européenne il existe des sanctions pénales pour infraction aux règles environnementales, fait notable car il y a peu de domaines au niveau européen où ces sanctions existent.
Nous nous trouvons actuellement dans un paradigme néolibéral qui autorise et légitime économiquement l’exploitation de toutes les ressources de la planète sans aucune forme de compensation. À ce titre, il apparaît absolument essentiel de revoir le système économique (système de biens communs, économie circulaire, etc).
S’il y avait un message à faire passer aux députés à la veille des élections européennes concernant la transition écologique, ce serait de mettre en avant la justice sociale en mettant sur pied une transition écologique qui ne serait pas pénalisante pour les plus modestes : ainsi, il conviendrait peut-être de réinventer une fiscalité adaptée. En effet, la lutte contre le réchauffement climatique pourrait entrainer un coût immédiat que certains ne peuvent supporter et il conviendrait donc de ne pas culpabiliser le citoyen. On taxe l’essence qui porte sur les classes moyennes et défavorisées : il faut harmoniser les politiques fiscales et sociales, pour instaurer un caractère équitable et juste dans les mesures écologiques.
L’empreinte climatique personnelle a également été objet à débat. On s’est demandé si chacun avait eu l’impression d’avoir modifié quelque chose dans le mode de vie pour changer les choses. Cela passe par des gestes simples tels que laisser la voiture chez soi et marcher, l’utilisation des transports en commun, du vélo, le recours à l’alimentation durable (vérifier l’origine des produits, végétarisme), la question de l’eau en bouteille etc. Ce sont autant de petites habitudes qui, combinées les unes aux autres sont essentielles pour adopter un mode de vie durable pour notre environnement.
Le citoyen est plus conscient et responsable que le politique. Ainsi, ce jour même, soit deux jours après la Marche pour le climat, la Belgique a voté contre une proposition européenne découlant de l’Accord de Paris (directive sur l’efficacité énergétique) et s’est abstenue sur la directive relative aux énergies renouvelables. L’action politique se heurte à des problèmes de gouvernance.
Le mot de la fin est revenu à Jacques de Gerlache qui préconise à l’échelle du citoyen d’apprendre à soi et aux autres à trouver des solutions pour lutter efficacement contre le changement climatique.