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1ère session – Les faits de base : l’état des découvertes et ressources en hydrocarbures sur les rives Sud et Est de la Méditerranée
Intervenants : Samuele Furfari (Ancien Conseiller du Directeur Général de la DG Energie de la Commission européenne et Professeur ULB)
On s’attend à une augmentation de la population, ce qui suppose que le bien-être doit croître également. A l’heure actuelle, 1 000 300 000 n’ont pas d’électricité. On s’attend donc à une augmentation des ressources naturelles et à une croissance des réserves d’hydrocarbures. Toutefois on ne connaît pas la quantité des ressources contrairement à celle des réserves (qui constitue la valeur marchande des hydrocarbures). Ces réserves évoluent dans le temps en fonction de trois éléments : de la technologie, de l’augmentation des prix qui implique de trouver plus des réserves et de la croissance de la demande (car on doit satisfaire les besoins). Néanmoins, à un certain moment, ces réserves vont diminuer car il y aura d’autres façons de produire de l’énergie.
Il y a 10 ans, on pensait qu’il y avait beaucoup d’hydrocarbures dans la Mer Caspienne (ce qui était bien à la fois pour la Russie, la Turquie ou encore Israël) mais la mer du Levant s’est avérée être riche en hydrocarbure également. En effet, grâce à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) (qui donne aux Etats côtiers la possibilité d’exploiter une Zone Economique Exclusive de 200 miles marins), il y a un changement géographique. On intègre à présent la mer. Dans la mer du Levant, il y avait une couche de sel énorme et ça constituait une zone intéressante à exploiter. Les premiers à échanger des données furent les Etats-Unis. Ils croient aux sous-sols contrairement à l’Europe. Ils commencent à étudier le bassin du Nil et creusent. Les Etats se sont donc dit qu’il fallait créer des Zones Economiques Exclusives.
Des évolutions vont voir le jour entre les Etats côtiers :
- En mars 2003, Chypre a proclamé une ZEE de 200 miles marins au lendemain du traité de répartition qu’elle avait conclu avec l’Egypte
- En janvier 2007, Chypre signe un accord bilatéral de délimitation avec le Liban.
- En décembre 2010, Chypre et Israël ont conclu un accord qui tient compte de celui entre Chypre et l’Egypte
- La Turquie n’accepte pas ces initiatives estimant que Chypre n’est pas en droit d’exploiter ces ressources tant que la question « chypriote » n’a pas été solutionnée.
Israël a découvert le 1er gisement dans sa Zone Economique Exclusive : Tamar. En 2014, ils ont découvert le Léviathan avec une compagnie américaine (Novatel) puis ensuite Aphrodite.
Ensuite une compagnie privée italienne a découvert Zohr. Ensemble, ils ont presque la même quantité que celle trouvée dans la totalité de la Norvège. Le gaz israélien alimente la Jordanie. Il faut savoir qu’Israël possède 120 années de la consommation de gaz actuelle. Il faut donc trouver des infrastructures adéquates. Une autre solution serait d’envoyer le gaz en Egypte. Un projet est de connecter Tamar et Leviathan par un gazoduc vers Egypte. Delek et Noble Energy ont en effet signé un accord avec Dolphinus pour vendre du gaz de Tamar et Léviathan. Un contrat de 15 milliards de dollars pour vendre 64 BCM en 10 ans. Ceci va faciliter la création d’un hub en Egypte. Tout cela est possible suite au changement de pouvoir dans le pays. Le champ de Tamar a déjà été développé et le gazoduc allant de Tamar à la côte israélienne est déjà là.
Quelques problèmes :
- Tensions entre Israël et le Liban concernant le gaz
- La compagnie ENI prête à explorer la zone mais bloqué par les Turcs. L’Union européenne s’en est allé pour ne pas causer de problèmes.
- Les îles de la Mer Egée sont grecques et donc la Turquie n’a pas de Zone Economique Exclusive. Elle n’a donc pas adhéré à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
La Grèce essaie d’opérer de l’autre côté, du côté de la mer Ionienne.
C’est donc la nouvelle Norvège au sud de l’Europe, ce qui offre de nouveaux débouchés pour le gaz à apporter en Europe. EastMed gaz pipeline pourrait être une éventuelle solution mais c’est encore très mouvant. La découverte de Zohr (août 2015) a été un succès pour l’Egypte et Eni. Sa mise en œuvre s’est faite en 1 an et demi. Le président Egyptien Abdel Fattah al-Sissi a inauguré le grand champ gazier le 31 janvier 2018. Le 8 février, ENI et TOTAL annoncent la découverte de Calypso 1 dans le bloc 6 de Chypre, un gisement similaire à Zohr (170-230 Gm³). Le 9 février, la plate-forme de forage SAIPEM 12 000 (groupe ENI) a été stoppée par des vaisseaux turcs qui lui ont ordonné de s’arrêter sous prétexte de « manœuvres militaires ». ENI vend 10 % de la concession Shorlouk en Egypte le 14 février.
Du côté de l’Algérie, bien que ce soit un grand pays pétrolier et gazier, la situation politique est difficile. Il reste en arrière alors qu’il est rempli de gaz de schiste, ce qui pourrait être du potentiel.
Il y a également du gaz américain pour l’Europe (dont le contrat d’approvisionnement entre la Pologne et les Etats-Unis pour le gaz de schiste). Les Etats-Unis exportent plus de gaz de schiste en Europe qu’en Chine.
Il est également important de savoir que Novatel, l’entreprise privée américaine, a créé une infrastructure en décembre 2017 dans la péninsule de Yamal (ouverte à des capitaux privés) pour exporter du gaz. Il y a 13 méthaniers brise-glace. Un contrat a été établi pour exporter en Chine et au Japon. Au nord, lorsque la mer est bloquée l’hiver, on passe par l’Europe.
Depuis 35 ans, il y a également l’exportation de gaz russe notamment avec la construction NordStream. On parle de dédoubler le gazoduc entre Russie et Allemagne.
L’Australie a également beaucoup de gaz. La Mer du Levant se prépare à entrer dans le marché.
Principal atout du marché européen est la diversification. Ils ont un projet d’intérêt commun, ce qui provoque une interaction plus forte (ex : Royaume-Uni et Belgique qui échangent depuis peu de l’électricité)
Depuis 40 ans, il y a du monopole mais plus maintenant car le prix du gaz suit le marché, ce qui est un grand changement. Monsieur Furfari conclut sa présentation en disant qu’il n’y aura jamais de développement sans énergie.
Remarques :
- Tahmar et Zohr produit mais Leviathan et Aphrodite ne produit pas.
- Qatar, qui a aussi du gaz, n’a pas vocation à envahir l’Europe avec du gaz. Les 2/3 du gaz du Qatar vont en Asie (l’Asie dépend donc du Moyen-Orient). De plus, c’est une zone instable pour construire un gazoduc.
- Il y a un gisement qui se divise entre la Zone Economique Exclusive entre l’Iran et le Qatar mais l’Iran n’en profite pas en raison d’un manque de technologie. L’Iran a la plus grande réserve de gaz au monde mais ne produit pas de gaz pour l’exporter. Il produit seulement 3 milliards et demi.
2ème session – Les enjeux économiques liés aux nouvelles découvertes
Intervenants : Naoufel Brahimi El Mili (docteur en sciences politiques de l’IEP de Paris)
Marco Giuli (Policy Analyst, Think Thank European Policy Center (EPC))
Les nouvelles découvertes vont permettre de redessiner les enjeux géopolitiques dans le bassin méditerranéen qui compte une population très jeune. Ces pays en effet voient leur économie stagner, voire même régresser (c’est le cas de l’Egypte et de la Jordanie), avec un taux de chômage élevé parmi les jeunes.
De plus, on observe que le gaz algérien, qui représente 98% de l’énergie du pays, est un élément stabilisateur dans la région, il traverse la frontière Marocaine mais ne sert pas à la population. C’est d’ailleurs un dénominateur commun à l’énergie africaine, elle parcourt de très longues distances en traversant notamment la mer, mais les populations locales n’en bénéficient jamais. L’Algérie représente la troisième réserve au monde en ce qui concerne le gaz de schiste, mais les nombreux problèmes qui ont opposé le pays à la France ont poussé les algériens à signer avec Exxon (compagnie américaine).
Un autre phénomène que l’on observe est que l’Algérie est un pays qui vit de mandat en mandat, ce qui ne favorise aucunement les projets à long terme. C’est typiquement une situation qui provient de la confusion entre stabilité et immobilité, tout comme en Egypte où Sissi a effectivement apporté de la stabilité au pays, mais l’emprisonnant dans un certain immobilisme.
L’Egypte a toutefois, de par la découverte des gisements de pétrole en Méditerranée, des solutions en vue via l’import et l’export. Le gisement Zohr notamment pourra permettre à l’Etat de rembourser ses dettes et de réduire ses subventions à la consommation de l’Energie pour 2019. Il faudra toutefois s’allier aux objectifs des partenaires mondiaux, notamment la Commission européenne qui cherche, de par l’objectif horizon 2050 à faire baisser les émissions nettes de CO2 à 0%.
3ème session – Les enjeux politiques et géopolitiques à court et moyen terme
Intervenants : Jean DUFOURCQ, Amiral. Chercheur en affaire stratégique, ancien rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale. Rédacteur en chef de la lettre d’analyse stratégique La Vigie.
Robert CUTLER, Fellow to Canadian Energy Research Institute, Senior Analyst to Institute of European, Russian and Eurasian Studies, Carleton University. Think Tank “Beyond the Horizon”.
- J. Dufourcq
Deux macro-thèmes
- Scenario et contexte politique dans la Méditerranée
- Dans le nord de l’Afrique certains états font face à une transition sociopolitique délicate (Algérie, Tunisie, Libye, Egypte);
- Enjeu sur la côte ouest de l’Asie : la Syrie fait face à un changement politique ;
- Grand débat dans l’UE à propos de la migration. L’arrivée massive des migrants crée des problèmes dans le sud de l’Europe,
- Donc nous avons des grands enjeux politiques et stratégiques autour de la Méditerranée.
- Les questions géopolitiques autour de Chypre
- Il y a eu à Chypre une découverte de gisements d’hydrocarbures en 2010. Cette découverte a modifié les stratégies et les politiques de certains pays. Certains d’entre eux sont directement impliqués, alors que d’autres indirectement. Cinq acteurs régionaux en particulier : Turquie, Liban, Israël, Egypte, Grèce.
Quatre mouvements
- Chypre – Turquie : Tensions entre les deux pays. La Turquie veut défendre ses intérêts vis-à-vis de Chypre (car il y a des turcs dans le nord de Chypre) ;
- Israël – Egypte : Compétition entre les deux pays pour les exportations. Dès 2000, l’Egypte dépend des importations d’Israë;
- Liban – Israël : Contraste entre eux lié à la définition de la ZEE (Zone économique exclusive), qui doit être encore définie. Ils cherchent de coopérer pour arriver à une division définitive.
- Grèce : Le pays a modifié son approche suite à la découverte d’hydrocarbures. Elle cherche des nouveaux partenaires et commence à développer des relations avec les USA (car ils ont des intérêts communs). Ce ralliement diminue l’influence de la Russie en Europe. La Grèce donc est un acteur précieux pour l’influence en Europe tant pour les États-Unis que pour la Russie.
- R. Cutler
Présentation : Le bassin de la mer Caspienne et la sécurité énergétique de l’Europe
- Compétition entre Russie et Europe pour le contrôle de l’Eurasie : les projets Blue Stream, Nabucco et South Stream
- Blue Stream : Un des principaux gazoducs internationaux. Il transporte le gaz naturel de la Russie à la Turquie à travers la mer Noire ;
- Nabucco : Projet de gazoduc visant à connecter le Caucase et la mer Caspienne à l’Autriche.
- South Stream : Projet de gazoduc visant à transporter le gaz de la Russie à l’Union européenne sans transiter par des pays extracommunautaires.
- Enjeux à court terme = d’ici à 3 ans (2019 – 2022)
- 2 éléments ont amené à l’actuelle situation dans la mer Caspienne
- La Convention de la division de la mer Caspienne : seulement quelques pays ont la technologie et les ressources pour exploiter les gisements. Donc certains pays ont signé des accords pour permettre aux pays voisins d’extraire leur gaz ;
- Le Gazoduc Trans-Caspienne et le White Stream (aussi connu comme Georgia-Ukraine-EU gas Pipeline, c’est un projet pensé pour transporter le gaz de la région Caspienne à la Roumanie et l’Ukraine avec des provisions pour l’Europe Centrale)qui complète le réseau du Corridor gazier sud-européen (notamment avec le TANAP qui traverse la Turquie et le TAP qui arrive dans le Pouilles e Italie).
- Enjeux à long terme = d’ici à 12 ans (2023 – 2030)
- Est en cours la définition d’un système de transport Trans-Caspienne par le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan.
- Est en cours un projet pour transporter le pétrole eurasiatique en Asie et en Europe.
- Conclusions
- Les projets examinés tendent à augmenter l’influence des pays impliqués et accroitre leurs richesses :
- L’Union européenne a l’opportunité d’augmenter son poids et son influence en Eurasie.
- Est-ce qu’on assistera à une révolution capable de bouleverser les équilibres en Europe ?
4ème session – La Méditerranée : écosystème fragile et menacé
Intervenant : Antoine Simon (coordinateur de campagne sur les hydrocarbures fossiles)
Hugo Lucas (expert dans le domaine de l’énergie et professeur adjoint à la Faculté d’Études Environnementales à l’Université de York (Canada), il vient à son tour nous parler des énergies renouvelables et des enjeux qu’elles représentent en Méditerranée)
Il convient brièvement de rappeler que la mer Méditerranée est un écosystème particulièrement menacé et constitue une des mers les plus polluées de la planète. Elle se manifeste premièrement par la pollution aux hydrocarbures, très conséquente du fait du nombre élevé de navires de commerce passant par ses eaux. Deuxièmement, la pollution au plastique constitue un autre fléau en nuisant de façon irréversible à l’écosystème côtier et maritime et en fait, devant le Pacifique, l’espace maritime le plus contaminé par les microplastiques. La Méditerranée subit également les impacts du réchauffement climatique. Phénomène global, il se manifeste en Méditerranée par une augmentation de 1,4 degrés, soit 0,4% de plus que la moyenne mondiale. Les conséquences de ce réchauffement se font sentir directement sur la biodiversité et sur les ressources halieutiques, essentielles aussi bien à l’équilibre de l’écosystème qu’aux économies locales. Sur terre, la baisse significative des précipitations entraîne des sècheresses importantes qui vont influer négativement sur le rendement agricole, entraînant de fait la raréfaction des produits animaux. Les conséquences vont se manifester également sur la santé publique en raison des vagues de chaleur, de la pollution de l’air et des eaux et enfin de la propagation d’épidémies (notamment celles liées à la prolifération des moustiques comme la dengue). Enfin, la croissance constante des émissions de CO2 générées par la consommation d’énergies fossiles aggrave encore davantage la qualité de l’air et le phénomène de réchauffement atmosphérique.
Face à ce bilan, il est urgent d’opérer une transition énergétique durable passant nécessairement par l’utilisation d’énergies renouvelables. Cette transition n’est possible que si ces énergies deviennent concurrentielles. En effet, tant que les énergies fossiles auront un pouvoir d’attraction économique plus important, les remplacer par de nouvelles sources énergétiques durables ne sera pas prioritaire pour les États et les industries. Les énergies renouvelables commencent justement à gagner en compétitivité et on observe depuis quelques années une augmentation des installations d’infrastructures. C’est tout particulièrement les énergies solaires qui ont bénéficié de cette hausse puisqu’elles ont constitué rien que pour l’année 2017, 61,5% des investissements énergétiques.
Hugo Lucas souligne l’importance de l’électricité dans cette transition énergétique en prenant l’exemple des transports. Étant l’un des secteurs générant le plus d’émissions de CO2, un virage électrique a été entamé avec l’essor des voitures électriques tout particulièrement en Asie, avec la Chine en tête, puis en Europe et enfin aux Etats-Unis. Lucas mentionne toutefois la nécessité de changer de paradigme sur la question électrique, on doit à présent passer à une génération « variable et flexible », en contraste avec des sources génératrices dites « de base ». Pour ce faire, l’utilisation du solaire comme source d’électricité est à privilégier. Afin de pouvoir opérer cette transition électrique on va devoir compter sur le rôle décisif du gaz pour permettre d’acquérir cette flexibilité.
La transition implique également de nouveaux acteurs et de nouveaux modèles économiques. On avance en effet avec l’énergie solaire vers une démocratisation de la production d’énergie puisque chaque individu peut en devenir producteur, remettant en question le monopole des compagnies du secteur de l’énergie. Plusieurs points de départ avec tout d’abord les pionniers en énergie, soit les pays traditionnels comme le Canada ou les USA qui se dirigeront vers les ressources les plus rentables, les gros demandeurs énergétiques (Afrique, Asie du Sud-Est), les «electrifiers» de nouvelle vague et les exportateurs de pétrole. Tous ces acteurs vont à leur tour opérer cette transition énergétique et ainsi sortir petit à petit des énergies fossiles. Pour certains pays du bassin méditerranéen comme en Afrique du Nord, la transition énergétique et notamment l’utilisation du solaire est une nécessité pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures. C’est par exemple le cas du Maroc qui a augmenté sa production électrique issue d’énergies renouvelables de 34%.
En
somme, dans un environnement aussi fragilisé et menacé qu’est l’espace
méditerranéen, la transition énergétique apparaît comme étant l’un des enjeux
majeurs des prochaines années à venir. C’est un défi nécessaire que les pays de
la région vont devoir relever en misant davantage sur les énergies
renouvelables à l’image de l’électricité produite notamment par le solaire.
L’UE a un rôle à jouer dans cette transition énergétique puisqu’elle se trouve
au croisement d’enjeux essentiels, aussi bien d’ordres climatiques que
géopolitiques.
5ème session : L’Union européenne et ses voisinages : les récentes découvertes d’hydrocarbures dans les voisinages de l’UE ; portée et conséquences
Les découvertes en hydrocarbures, leur impact sur la PEV (contenu et modalités) et sur les stratégies de l’UE
Mme Kirsten JONGBERG, analyste et fonctionnaire du Parlement européen, spécialisée sur les politiques du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, ainsi que sur les politiques externes de l’Union européenne a présidé cette cinquième session. Elle a rappelé qu’il convient d’aborder certains sujets importants concernant le thème des politiques européennes de voisinage : les découvertes de gaz en Méditerranée et leur impact sur le développement économique, notamment les espoirs de profits que ces découvertes pourraient engendrer auprès des populations locales. Mme JONGBERG a également rappelé qu’il serait souhaitable de réfléchir aux moyens d’encourager les échanges en matière d’énergie puisqu’il est possible d’observer à ce sujet une asymétrie : certains pays disposent clairement de gaz naturel, d’autres pas.
Megan RICHARDS, quant à elledirectrice politique énergétique à la Direction Générale de l’Energie de la Commission européenne a par la suite dressé un aperçu des achèvements de la Commission à propos des découvertes de gaz naturel en Méditerranée. Cette dernière a ainsi évoqué la Communauté de l’énergie, comprenant les Etats membres de l’Union européenne et plusieurs Etats limitrophes à celle-ci : l’Ukraine, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, le Monténégro, la Serbie, la Moldavie ainsi que la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo. L’Arménie, la Géorgie, la Norvège et la Turquie ayant un statut d’observateur au sein de la Communauté de l’énergie.
Mme RICHARDS a ensuite souligné combien les régions du Proche et du Moyen-Orient étaient importantes pour l’Union européenne en matière de découverte et d’exploitation de gaz naturel en Méditerranée, en ce que les pays de la région vont pouvoir améliorer leur développement économique, ainsi que leurs relations. Ainsi par exemple, sur le terrain de l’énergie, les relations entre Israël et la Palestine s’améliorent. Les réserves prouvées de gaz naturel diminuant au fil des décennies dans l’Union européenne, celle-ci se voit obligée d’en importer de la Russie, de l’Algérie et de la Norvège. L’Union européenne se voit également obligée d’importer de plus en plus de gaz naturel d’autres régions limitrophes à l’Europe comme notamment la région de la Mer Adriatique. Le gaz naturel liquéfié, qui est en réalité du gaz naturel de qualité commerciale condensé à l’état liquide, est à l’heure actuelle principalement utilisé comme moyen de transporter le gaz naturel de pays producteurs vers des pays consommateurs par voie maritime.
Ainsi, Mme RICHARDS a rappelé certains avantages liés à l’utilisation du gaz naturel : elle souligne notamment que ce gaz reste un gaz à effet de serre, et émetteur de gaz à effet de serre (CO2) quand il est brûlé, mais que par rapport au pétrole, au charbon ou à certains types de gaz conventionnels, s’il répond aux normes du marché, il ne contient pratiquement pas de composés toxiques ; sa combustion est donc moins polluante que celle du charbon, avec dans de très bonnes conditions de combustion. De fait, aujourd’hui, le gaz naturel liquéfié pose en alternative au gazoduc. Comparé à ce dernier, le gaz naturel liquéfié offre une solution plus flexible, car il ne lie pas de façon fixe tel fournisseur à tel client, et plus économique si la distance est grande. L’Union européenne reste une grande importatrice de gaz naturel et le restera dans le futur, ce qui amène Mme RICHARDS à évoquer le besoin de remplacer le charbon dans le futur. Le charbon est encore important pour l’économie de certains pays tels que la Pologne dont la production d’électricité dépend à 80% de celui-ci. L’Union européenne encourage donc les personnes employées dans le secteur du charbon, dans certains pays tels que la Pologne ou l’Allemagne, à se diriger vers d’autres métiers et secteurs d’activité. En effet, du fait du traité de la Communauté de l’énergie, certains pays doivent faire en sorte, à travers leur législation, d’adapter leur économie à la transition énergétique.
Ainsi, Mme RICHARDS a souhaité terminer son intervention par une note positive en rappelant que les potentielles nouvelles sources d’énergies pouvant être exploitées par les pays de la Communauté de l’énergie sont également vecteurs de nouveaux emplois et de croissance économique, ce qui pourra à terme amener l’Union à progresser dans le domaine du développement durable pour construire un environnement plus sûr. La forte croissance du marché des énergies renouvelables est intéressante pour les pays et les régions qui présentent encore aujourd’hui des difficultés d’accès à l’énergie. Ainsi donc, Mme RICHARDS a terminé son intervention en évoquant la stratégie climatique à l’horizon 2050 adoptée par la Commission européenne le 28 novembre 2018, qui doit permettre à l’Union européenne (UE) de devenir d’ici à 2050 la première grande économie du monde à présenter un bilan neutre sur le plan climatique : l’intervenante a exprimé ses espoirs quant à l’atteinte de cet objectif qui passe, selon elle, par un investissement dans la recherche, la technologie et les nouvelles innovations.
Fabio MARCHETTI, dernier intervenant de cette cinquième session et Senior-Vice-Président ainsi que Chef des Affaires européennes de l’entreprise Ente Nazionale Idrobarburi (ENI, Italie) a souhaité aborder les conséquences liées aux découvertes de gaz naturel en région méditerranéenne ainsi que les raisons de leur présence dans la région. Ainsi, il a souligné combien cette région était importante pour son entreprise grâce à laquelle elle produit de l’énergie électrique mais réalise aussi des opérations de forage, d’exploration d’hydrocarbures et exploite du pétrole et du gaz en aval, en plus de travailler sur les énergies renouvelables.
M. MARCHETTI a évoqué très rapidement le contexte économique de la région méditerranéenne, qui est en proie actuellement à des changements significatifs. La population n’y cesse d’y croitre (surtout en ce qui concerne le nord de l’Afrique), la croissance du PIB des différents pays de la région devrait selon les prévisions se poursuivre de manière drastique (+145% de croissance attendue d’ici 2040) et enfin, la demande en énergie devrait elle aussi augmenter d’ici 2040. ENI se targue donc d’être présente dans la région afin d’aider la population à faire face à la croissance démographique et économique que celle-ci va connaitre : ces facteurs vont amener à un investissement lui aussi plus grand dans le domaine de l’énergie pour la période 2018-2040. La baisse de production d’énergie primaire au sein de l’Union européenne ainsi que la sortie des combustibles fossiles vont avoir pour conséquence une augmentation de la demande de gaz naturel de la part de celle-ci.
ENI entend renforcer sa présence en région méditerranéenne et M. MARCHETTI a souligné qu’en vue de créer une plateforme de coopération régionale en matière d’énergie, il faudrait achever d’abord une coopération politique. Ainsi, il met en avant les bienfaits des découvertes récentes d’hydrocarbures dans la région, en précisant que certains pays aux relations tendues seront amenés à se réunir autour d’une table pour négocier, grâce au secteur de l’énergie : l’énergie serait ainsi facteur de pacification des relatons internationales. C’est ce que montre l’exemple de l’Union européenne et de la Russie, qui maintiennent un partenariat énergétique (peut-être, selon M. MARCHETTI, le seul secteur grâce auquel l’UE et la Russie maintiennent des relations cordiales).
Conclusions
Pour conclure ce colloque autour d’un panel de personnalités,
M. LERAY a tout d’abord rappelé que les découvertes d’hydrocarbures étaient importantes et que grâce au changement du droit de la mer, grâce aux technologies très pointues développées par le centre de calcul de l’ENI et d’autres entreprises, ces découvertes constituent de bonnes nouvelles. Néanmoins ces bonnes nouvelles sont conditionnelles : en effet, les investissements aiment beaucoup la stabilité géopolitique et juridique, or, il souligne à juste titre que la stabilité juridique n’est pas une spécialité de la région méditerranéenne. M.LERAY conseille ainsi de regarder de près l’équation de l’écosystème méditerranéen et le développement des activités en son sein, puisque cet écosystème est fragile. Il ajoute de plus qu’il peut y avoir des bénéfices économiques à encourager des pays à coopérer ensemble : cette coopération apporterait plus de pacification des relations entre pays, elle pourrait être à l’origine de relations harmonieuses et c’est dans cette direction qu’entend œuvrer la politique européenne de voisinage.
M. FURFARI a par la suite apporté sa conclusion à l’évènement en soulignant la réalité de l’importance énergétique de cette région. En effet, M. FURFARI rappelle qu’il y a eu une réaction de surprise générale par rapport à la quantité et à la diversité d’hydrocarbures découverts dans la région méditerranéenne. Il ajoute que ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est que pendant 40 ans subsistait la croyance qu’ils n’existaient pas d’hydrocarbures en région méditerranéenne (seul le Moyen-Orient possédait alors un intérêt géopolitique du fait du pétrole). Cependant, à partir du moment où de nouveaux gisements ont été découverts et cette fois-ci, dans la région méditerranéenne, la géopolitique doit se redimensionner. Les premiers bénéficiaires de cette reconfiguration géopolitique sont les pays de la région. M. FURFARI en outre rajoute que le plastique est en plein essor : ainsi, dans le monde, les pays hors OCDE produisent 20 fois moins de plastique. Avec la découverte d’une diversité d’hydrocarbures dans le monde, une nouvelle réalité émerge : ce n’est plus que le pétrole qui domine le monde, mais désormais une pléthore d’acteurs.
M. KOEHLER a à son tour apporté sa conclusion au colloque mené en ce 31 janvier. Depuis environ 10 ans, les découvertes de gaz naturel se discutent de plus en plus à Bruxelles. Auparavant, c’était un thème pour les spécialistes, les connaisseurs du sujet, néanmoins aujourd’hui, toutes sortes d’acteurs s’emparent de la réalité de ces découvertes. De plus en plus de sociétés privées s’intéressent aux gisements de gaz naturel découverts en région méditerranéenne : il y aurait actuellement beaucoup de gaz dans la région. C’est là un changement révolutionnaire pour certains pays et acteurs. Le marché du gaz européen est stagnant depuis quelques années alors que le monde nage dans le gaz naturel qui est une ressource en abondance. Certains pays tels que l’Egypte et Israël profitent de ces découvertes qui les amènent à baisser leur cout de production ainsi que leur importation d’énergie. Ces découvertes leur permettent de plus de créer de l’emploi et elles représentent un gain de change pour les sociétés impliquées qui ne retirent pas encore de bénéfices des nouveaux gisements de gaz naturel (car nous sommes tout au début de leur exploitation). Pour l’Europe ces découvertes sont importantes, même s’il est possible, selon M. KOEHLER, d’émettre des doutes quant à la viabilité financière du gazoduc Est-méditerranéen. Néanmoins, il convient également de souligner selon lui, que ces découvertes en hydrocarbures enrichissent le choix des ressources et créent une dynamique d’échanges sur le plan commercial. Ce n’est que plus tard, lors de l’intervention des pays, des compagnies et de l’Union européenne dans la région que l’on saura si cette nouvelle donne s’avère être une sorte de bénédiction ou une malédiction. Sur le plan politique, M. KOEHLER signale que ces découvertes permettront de former une nouvelle dynamique de coopération et qu’il faudra s’appuyer sur la diplomatie internationale pour renforcer cette dynamique. Ainsi, le but de la politique européenne de voisinage est d’aider les pays de la région méditerranéenne à se stabiliser : elle doit les aider dans la création d’emplois, dans leur réalisation de politiques d’innovation, mais aussi dans la gestion rationnelle de leurs ressources (incluant les ressources gazières). C’est pourquoi la DG Energie travaille notamment avec ces pays (dont l’Egypte afin de mettre en place un thème de partenariat privilégié entre l’Egypte et l’Union européenne en matière d’énergie).
Jean DUFOURCQ : recherche de la stabilité géopolitique, nouveaux équilibrent se mettent en place. Tout le conforte dans l’impression qu’il a depuis longtemps que nous sommes dans une situation de transition stratégique accélérée. L’UE se retrouve aujourd’hui non plus dans un état de centralité : l’Union européenne a jusqu’alors connu une stabilité intrinsèque et elle est l’héritière d’une grande civilisation qui devait préserver des acquis historiques, économiques et sociaux. Là, de nouveaux acteurs entrent en scène dans le théâtre mondial, dont les Américains, les Russes repliés à l’est de l’Oural et de nouveaux acteurs dans la méditerranée qui prennent en main leur destin en fonction de leur propre rythme. UE se retrouve ainsi dans une situation de fragilité par rapport à sa propre constitution. Faut-il accélérer la recomposition d’un espace plus viable et plus rapidement modulable pour tenir compte de cette transition stratégique ? Il faut amener nos voisins méditerranéens vers un nouveau modèle raisonnable, viable, pour les aider à trouver un mouvement similaire aux nôtres, pour les amener à notre stabilité. Quant à la rapidité du changement : est-ce que les super structures que nous avons développées depuis des décennies, doivent être exportées ou adaptées ? La méditerranée est-elle en train de venir un hub global qui va concentrer les grands acteurs du monde ? L’Afrique va-t-elle être demandeuse d’énergie sous toutes ses formes, doit-on amener l’Afrique du nord à adopter un modèle qui est le nôtre ? Le modèle même ne change -t-il pas ? Centralité de l’UE mise en cause par une partie américaine, par une partie russe (qui s’affirme sur l’est de l’Europe) et par une nécessité africaine ? Est-ce que l’énergie est le secteur qui va lier tout cela ? Faut-il optimiser notre espace ? Ou accélérer le changement ? autour de cette méditerranée, des tours de contrôle importantes (Moyen-Orient, Egypte, Libye, Iran). Il faut changer certainement nos méthodes nos moyens, nos politiques, car notre modèle n’est pas à la hauteur de ce qu’il se passe aujourd’hui.
Lorenzo CONSOLI : (veut plutôt amener quelques perspectives en plus que remettre en cause ce qui a été dit). Seuls les gaz et l’hydrogène resteront présents comme énergies fossiles c’est pourquoi nous devons être intelligents dans nos investissements dans les nouvelles infrastructures de demain. Raisons pour lesquelles les hydrocarbures n’ont pas de futur : changement climatique (il a fait bouger le monde, Accord de paris, pays dans ces accords qui ont pris des engagements, politiques européennes menées en ce sens-là pour essayer d’en limiter les dommages), indépendance énergétique, la santé et la qualité de vie des citoyens (morts prématurées dues à la pollution atmosphérique pas forcément dues aux énergies fossiles), question des couts (les couts des énergies renouvelables sont de plus en plus intéressants, sens économique à investir dans les énergies renouvelables alors qu’elles concurrencent les énergies fossiles), la politique industrielle de l’UE (si elle organise sa politique industrielle autour des normes et stratégies concernant la transition énergétique elle peut s’affirmer dans le monde), problème de chômage (l’efficacité énergétique produit des emplois) et niveau local décentralisation économique (la question de la décentralisation de l’économie par rapport à celle hypercentralisée) ; la subvention des énergies fossiles. Il y a 5 révolutions actuellement : transition énergétique vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, il y a une transition dans la mobilité (qui va de plus en plus vers l’électrique), question de la transition écologique (économie circulaire, UE développe une stratégie contre l’utilisation excessive du plastique, ce qui va certainement limiter l’usage du plastique), révolution digitale et donc possibilité pour l’opinion publique d’intervenir plus facilement dans le débat, la possibilité de mobiliser les gens contre certaines stratégies vues contre les gens ; et enfin, il y a aussi la finance éthique ou soutenable, dans la finance il y a de plus en plus de courants misant sur les énergies renouvelables et qui donc vont vers un désinvestissement des énergies fossiles.
Pour conclure, il convient de souligner qu’il existe une pluralité de points de vue et d’analyses sur la question des nouvelles découvertes d’hydrocarbures dans la région méditerranéenne.
Adeline Silva Pereira
Laura Van Lerberghe
Wlodarczak Cécile
Zamir Sulejmani
Flavio Mastrorillo